Moi, je me balade à travers la ville
En costard-cravate ou bien en civil,
J'ai pour me tenir compagnie ma tête
Et ses pensées incluses et mal faites.
Mes souliers délacés las des démarches
Traînent à mes pieds à la plante en arche ;
Mes poings osseux s'enfoncent dans mes poches :
Je n'ai pas un sou dedans, c'est trop moche.
Et je rigole quand me prend soudain,
D'épater la galerie d'un dédain
Inutile, l'envie très égayante
Pour soulager l'air tout plein d'épouvante,
Mais survient le tragique coin de rue
Que hante l'épicier non disparu,
À qui j'ai voulu voler tout son vin
Pour rendre éloquents mes dons de devin.
Suffocant et blême, je perds la vue,
Sens formel ; je butte, belle bévue,
Et les jambes à mon cou, j'ai roulé
Sous les tilleuls, sur les talus d'allées.
Savante façon de fuir en savon
Imitant les hurluberlus qui vont
Et s'en reviennent, comme des pendules
Qui tantôt avancent, tantôt reculent.
Mon oreille a cueilli des brouhahas
Dans ma chute, de passants criant "Ah!" ;
D'oncques frémissant d'un rire écarlate,
Les autres mimant une pitié tarte.
Ô cacophonie ! que c'en est cocasse !
Cent divagateurs qui se décarcassent
En mai, et pas une goutte de pluie !
De moi, et pas une gorgée de Nuits !
Or seul attristé je répands mes pleurs
Hypocrites, vanné comme la fleur
Qu'un soleil mou dans une terre ingrate
Punit de naître, tel un pou qui gratte.
Las de l'amer repos me relevant,
J'ai levé mes cils au ciel du levant :
Nuages bleutés, grosses déités,
Laissez donc l'eau choir pour l'éternité,
Et me donnez l'espoir de voir mouillés
Les olibrius qui n'ont pour veiller,
D'un mol ennui berçant leurs litanies,
Que le spectacle de mon avanie.
Longtemps je louerai vos ruelles ô villes !
Qui sont pour mes ballades les chevilles,
Desquelles assemblées se tord le monde,
Qui paraissaient droite et sont plus profondes !
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Drole
Publié le 15/05/2015
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Imagination fertile . | |
TANGO |
un poème fertile et moderne. où foisonnent les mots qui s'entrelacent s'entrechoquent parfois. où le réel se mêle à l'imaginaire , toujours avec brio! | |
pat |
Hum! Que j'aime! Que de la recherche et aussi de la vérité! Bravo! et merci! |
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CRIS |
Merci à tous trois pour les lectures que vous avez commises et les commentaires que vous avez faits ! | |
jacou |
Un promeneur pas comme les autres ... Il m'a touché ce clochard entre la profondeur et la légèreté de la ballade que tu proposes à sa journée passée dans les rues ...il part sans vraiment disparaitre ... Du grand Jacou ! |
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Yuba |
Merci infiniment ma chère Assia pour cette sympathie dont tu témoignes à l'égard de ce clochard malicieux qui proclame amusé sa déroute ! Entre parenthèses, j'ai écrit ce poème en 2000, juste un an avant de me trouver à vivre dans la rue en juin 2001, mais pas comme un clochard, comme un vrai maire dans sa ville : je dormais dans une voiture dans un parking, mes toilettes étaient situées aux urgences de l'hôpital d'Argenteuil, je prenais ma douche et le petit déjeuner dans une association à 500 mètres du parking, et je sillonnais Argenteuil durant la journée pour passer le temps (et, quand une voiture de police s'est arrêtée une fois à ma hauteur, c'était pour me demander la route du commissariat, je pouvais donc passer pour un guide lol). L'important, quand on est à la rue, c'est d'éviter ce que je décris dans ce poème MDR ! | |
jacou |
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