D'abord il y a l'odeur,
Celle, doucereuse, de la graisse des machines,
Celle, aigre, des poussières de charbon,
Celle, enfin, du métal en fusion.

Puis la chaleur vous prend, d'un coup,
Comme une gifle,
Et vous suffoque,
S'incrustant jusque dans vos poumons,
Vous donnant envie de les cracher.

Et aussi les couleurs,
Limitées au noir
Et à toutes les nuances
Allant du rouge vif au blanc incandescent.

Enfin il y a l'homme…

Bizarre équation de force et de précision méticuleuse,
Pas de précipitation, les gestes doivent être sûrs,
De son travail dépendra peut-être la vie d'un homme.

Il le sait, car la mine lui a déjà pris son père,
Entraîné par une cage qui ne s'est pas arrêtée à la remontée…
Pas de droit à l'erreur, chaque soudure doit tenir,
Chaque angle doit être exact…

Alors il s'applique, encore et toujours,
Avec fierté,
Et il se sent puissant,
Car il plie le métal à sa volonté,
Il est un dieu créateur,
Héphaïstos en personne,
Lorsque sa masse tombe sur le métal,
Créant des explosions d'étincelles en fusion
Qui irradient de leur luminosité son regard attentif et passionné.

Bien sûr il connaît les dangers des escarbilles
Qui vous prennent l'œil…
Bien sûr il sait la douleur de la brûlure.
Mais il sait aussi le bonheur
Du travail réussit,
De l'approbation de ses pairs,
De l'admiration des autres.

Homme généreux,
Qui du fond de son atelier,
Se sent grandi dans sa misère,
Par la chaleur intérieure
Que lui apporte le fer
Qu'il a su forger.

pour Alexandre "le vieux"