Elle voyage dans sa tête
Comme une libellule fait la fête
De village, en ville et en pays.
Aucune frontière l'arrête,
Puisque c'est dans ses rêves
Qu'elle part en guerre
Contre les destructeurs de ses espoirs
Qui la font tenir jusqu'au soir
Des jours qui se suivent et se suivent
Alors qu'on lui avait promis le vide, l'infini.

Mais elle, elle voyage dans sa tête
Et continue de le faire
Bien que son fauteuil à roulettes
Remplace ces jambes inertes
Qui ne veulent plus rien savoir d'elle.
Cette dérision du danger,
Cette liberté,
Lui avait fait perdre la raison
Dans un précipice sans fond
Où extirpée d'un amas de ferraille sans nom
Les hommes se sont échinés à la refaire vivre,
Juste pour dire qu'elle vit,
Oui, mais quelle vie ?

Ses yeux se perdent dans le paysage,
Fixe le néant, le jour, la nuit,
A travers la fenêtre,
Fixant le lointain ou le plafond,
Allonger de tout son long
Sur ce lit à barreaux
Qui lui sert de nouvelle maison.

Mais elle, elle s'en fout,
Elle voyage dans sa tête
Bien que personne ne s'en doute
Elle fait un rêve en permanence,
Un rêve fou qu'il l'emmène loin
Où ses pieds foulent le sol
Et sa tête retrouve sa raison
Redonnant vie à ce visage d'adolescente
Qui fascinait tant les gens
Par sa grâce et son dévouement .

Un rêve fou qui la suivra jusqu'au bout,
Jusqu'à ce que ces mêmes hommes
Qui se sont échinés à la refaire vivre,
Croyant débrancher la machine
Qui animé la carcasse visible de sa vie sans vie
Ont éteint son âme,
Son rêve et ses voyages lointains,
Comme on éteint une lampe
Quant on veut que la nuit
Redevienne maître en silence.