Le sablier
Baudelaire ! Poète de souffrance, inquiétant, perceptible,
Dont deux sinistres vers sur une amie aboient,
Car le cœur effrayé elle grava sous son toit,
Plantant ta poésie du mal en pleine cible :
« Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi. »
Le plaisir savoureux éclairera l'horizon
Ainsi qu'un phare au bout de la mer où tu glisses ;
Chaque instant te promet un morceau du délice
À chaque homme accordé pour dorer sa toison.
Sans s'épargner de la moindre heure, le sable d'une onde
Siffle : Souviens-toi ! Placide, avec sa voix
Maternelle, Maintenant dit : Je suis à toi,
Et j'anime ta vie de mes vagues fécondes.
Remember ! Souviens-toi ! prodigue ! Esto memor !
(Le creux du sablier pour tout le monde tangue.)
Les grains du temps, chanteurs folâtres, sont des langues
Qu'il ne faut écouter sans en goûter l'accord !
Souviens-toi que le Temps est un généreux guide
Qui t'ouvre cent sentiers, tous les jours ! c'est sa foi.
La roche s'effrite ; la dune s'amoncelle ; souviens-toi !
La mémoire se boit ; son long fleuve tu guides.
Plus tard tombera le grain où la dernière amarre,
Où l'incliné sablier, de ton passé l'auberge,
Où les souvenirs même (oh ! l'inviolable berge !),
Où tout te dira : Regarde, la vie ! tu en fis part !
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