Il fut un matin insolent

À Riberolles gît un pont qui existe toujours alors que Riberolles n'est plus.
C'est étrange non ? De porter le nom d'un village disparu.
Je trouve ça étrange. J'en viens à douter de l'existence de ce pont, Le pont de Riberolles, Ce fantôme hante l'endroit par sa simplicité.

"Être Ange
C'est Étrange
Dit l'Ange
Être Âne
C'est étrâne
Dit l'Âne
Cela ne veut rien dire
Dit l'Ange en haussant les ailes
Pourtant
Si étrange veut dire quelque chose
étrâne est plus étrange qu'étrange
dit l'Âne
Étrange est !
Dit l'Ange en tapant du pied
Étranger vous-même
Dit l'Âne
Et il s'envole."
Dit Jacques Prévert

Dessous ce pont coule une rivière : la Monne, dans un creux, entre l'adret et l'ubac.

Ce pont est un ange (ou un âne) au loin des remous du quotidien. Il surveille cette rivière torrentueuse qui vit au creux des volcans.
Un petit bout de paradis ce village fantôme pour un voyageur qui n'attendait rien d'autre qu'une balade pour se ressourcer.

Tu es les gorges de la Monne
Tu es le pli des volcans
Et ce pont qui détonne
Bien qu'il ne soit pas bien grand.

La rivière ne me repère
Que lorsque je jette des pierres
Elle coule sans regarder derrière
Pour suivre cette obligée pesanteur
Ce déchirement de l'espace par la matière.

Assis au bord de ce tableau,
un farfadet me dit,
La rivière ne sait pas la fin. La rivière ne cherche pas à monter sur les rochers qui la délimitent.
Non. Elle suit le chemin tracé pour elle, et creuse son passage un peu plus chaque seconde, Rien d'autre.

Es-tu une rivière?

Si tu coules doucement
Si tu vis tendrement
fier
Vers la nuit des temps.

La question peut faire sourire, mais...
La rivière est belle
et ces quelques torrents, ces remous pensifs ne s'abattent que sur le prochain rocher, je veux dire le prochain caillou. Le contrôle de leur perdition.
À quelques endroits des tourbillons d'eau restent là. Ils tournent en rond sans trouver où continue la vie. Un an, deux ans, puis repartent poussés par la pluie.

Si tu n'es pas une rivière, alors comment t'échappes-tu du temps, de ce chemin ?
Il me semble que chaque seconde te pousse à avancer vers plus bas, à mourir élégamment.

Il est possible de déserter ce qui est dicté. Je l'ai vécu quelquefois par un été indien.
Où j'ai vu l'eau diminuer.
Où j'ai vu des gouttes s'évaporer.