Quatorzième voyage

Ecoutez, noble assistance, écoutez la légende du grand Vizir qui servit son Sultan avec dévouement et fidélité pendant trente ans.

Cette la nuit là, le vieux et fidèle Vizir s'est vu  mourir et enterrer, un brin de romarin   entre les mains. Il se réveilla effrayé.
Et d'abord était-ce un rêve ?
Il s'habilla en hâte, prit le chemin du Palais pour demander audience au Sultan qui dormait.
Il insista pour être reçu sur le champs. On réveilla le Sultan qui, inquiet , se demanda si une quelquonque calamité avait frappé le royaume.
- Qu'Allah t'élève et fasse durer ton règne , Ô Sultan bien-aimé, tout est calme, rassure-toi. Mais aujourd'hui, il s'agit de ma modeste personne, j'ai vu de mes propres yeux la mort. Elle rôde en cet instant même autour de ma maison.
- A quoi l'as-tu reconnue ? Lui dit le sultan ?
- Je sais que c'est elle ! A la place du coeur, elle a un grand trou noir. Elle attend comme une vieille femme sur le pas de ma porte.
Le sultan , qui vouait une grande tendresse à son fidèle Vizir, est resté sans voix.
- Tu es non seulement le fidèle parmi les fidèles mais tu es aussi mon précepteur, mon maître, comment pourrais-je me passer de tes précieux conseils ?
- Sire , lui répondit le Vizir, la puissance consiste à se passer des autres hommes le cas échéant.

Le Vizir avait la voix tremblante. Une épine appelée peur était plantée dans son coeur. Son coeur était défait. Il supplia encore une fois son maître et seigneur de lui permettre de partir loin...
- Mais où ? Lui demanda le Sultan.
- le plus loin possible, Sire, j'irai très loin, j'irai me cacher au bout du monde, j'irai jusqu'à ...Samarkand !
Le Sultan ne pouvait mieux faire que d'accéder à la demande de son vieux Vizir.
- La mort, Sire, peut bien m'oublier un jour, mais elle ne m'oubliera pas le lendemain. Adieu mon Sultan bien-aimé.

( Les musiciens jouent un air triste et étrange)

Le lendemain, premier jour du printemps, le Sultan comme à l'accoutumée, prend son repas du matin dans son beau jardin où fleurissent les oiseaux et d'où émane le charme des roses aux joues fraîches.
A la seule vue de ces splendeurs, la plante amère de la tristesse se déracine du
coeur.
Tout à coup à l'ombre d'un Jacaranda de mauve fleuri, le Sultan aperçoit un visage de lumière noire, un visage luisant et pourtant diaphane, avec un grand trou noir dans la poitrine.
- Je vous reconnais , lui dit le Sultan, vous êtes la Mort, vous avez fait peur à mon vieux Vizir.
- Et vous Sire, n'avez-vous pas peur de la mort ?
- Non, moi, je connais la date de ma mort. Le jour de mon couronnement à l'âge de 18 ans, j'ai vu dans un miroir le chiffre 18 à l'envers et j'ai compris , admirable symétrie, que je mourrai à l'âge de 81 ans.
La Mort se contente d'un secret ricanement aux coins des lèvres.
- Pourquoi êtes-vous venu rôder autour de cet homme bon et vertueux ?
- C'est un vieillard insensé, lui dit la Mort. N'importe où il ira, je le rejoindrai !
Chevaucherait-il pendant un an , je n'ai qu'un pas à faire pour le rattrapper.
- Vous persécutez , vous terrorisez un homme qui ne le mérite pas. Pourquoi ?
- Mais Sire, lui répond la Mort, c'est moi qui ai été effrayée de le rencontrer ici, dans votre bonne ville de Fès, car, figurez-vous, j'ai rendez-vous avec lui dans quelques jours à Samarkand.

Écrit par Yuba
Si tu me demandes combien de fois
tu es venu à mon esprit
Je reponderai une seule fois ...
Car tu ne l'as plus jamais quitté

Jalal-Eddine Roumi
Catégorie : Citation
Publié le 04/06/2020
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 04/06/2020 à 07:43:47
fascinant sublime j'ai apprécié ma lecture...:)@
romantique
Posté le 04/06/2020 à 14:45:44
La grande faucheuse effraie le Vizir dont la sagesse ne semble pas suffire à conjurer la peur de la Mort…
Vermeil
Posté le 04/06/2020 à 14:45:46
Bamako, c'est pour l'ambiance. Je ne me vois pas décrire l'atmosphère d'un bar de Saint-Etienne. Quant au sida (mon écrit est une fiction), j'ai évoqué deux villes: Bamako et Paris sans préciser le lieu de la contamination.
Ton récit est magnifique!
Virgile
virgile
Posté le 05/06/2020 à 15:30:00
Une réflexion édifiante sur la mort en cette étape de ce grand voyage!

Ce dialogue entre le vizir et le sultan, puis entre la Mort et le Sultan, est d'une sagesse puissante et donne à réfléchir sur la venue inéluctable, un jour ou l'autre, de la fin de la vie terrestre, qu'on le veuille ou non, car ainsi est la loi de toute vie ici-bas.

Après? Je ne sais pas, je n'ai pas encore résolu la question, et je n'en aurais peut-être pas la solution tant que je serai sur cette bonne vieille terre!

J'aurai grand plaisir à relire ce 14ème voyage puisqu'il s'en va rejoindre les précédents en mes favoris.

Bises et amitiés à toi :-)
Matriochka
Posté le 06/06/2020 à 12:25:00
Merci beaucoup pour votre patience ,

Sylvain
Vermeil
Virgile
Et Mtriochka

Je vous donne rendez-vous au prochain voyage , je vous informe que les quatre derniers épisodes sont plus longs que les premiers mais tout aussi passionnants.

Mille merci Matriochka pour le favori !

Bises :)
Yuba
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Très belle soirée à tous
08/04 08:42Ange de Lumiere
Bonsoir les poètes
07/04 09:03Ange de Lumiere
Bonsoir à tous
07/04 08:59Yuba
Je souhaite la bienvenue à Ange de Lumière, de nouveau parmi nous chez les modos :)

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