J'ai fumé un nuage avec des rayons d'or
Remplissant mes poumons d'une éthérée vapeur
Ma tasse de café dans la cuisine dort
D'un sommeil alourdi par la forte chaleur

Sur le bureau muet où jouent quelques stylos
Des courriers dispersés attendant d'être ouverts
Frémissent impatients pareils au doux ruisseau
Qui lèche les galets avec un rire clair

L'ombre fait du piano dans les coins du salon
Donnant à écouter des refrains alanguis
Tandis que doucement s'élève le plafond
Vers le ciel orangé qu'un vieux rêve obscurcit

Dans un langage doux conversent des bouquins
Que j'entends murmurer ou plutôt susurrer
Défilent les pages comme des mannequins
Avec sur leur blancheur des écrits tatoués

De nubiles plantes tournent sur elles-mêmes
Diffusant leur parfum en ondulant des hanches
Leurs feuilles s'enlacent rougissant des « je t'aime »
Sur le parquet ciré que caressent leurs branches

Le canapé bondit pour rejoindre les chaises
Qui se sont empressées d'aller vers la fenêtre
Au travers de laquelle un vent s'étire d'aise
Faisant voler les poufs comme de frêles lettres

Dans la salle de bain se creuse la baignoire
Semblant un toboggan où des astres s'écoulent
Les serviettes mouillées gardent en leur mémoire
Le souvenir laiteux d'une mousse qui roule

Chamboulé à l'excès chaque repère fuit
Mes sens désorientés sont l'écume de l'onde
Qui parcourt en chantant mon insondable esprit
- Ô nuage doré tu as ouvert un monde! -