L'aube est proche, elle arrive à la porte! Vois-tu?
Elle me guette, elle me hante à chacun de ces jours
Funèbre!...Alors, les soirs, juste au coin de la rue,
Je vais à cette table où le verre, à l'amour,
Se jette sans regrets; où le verre descend
D'un seul jet, sans bruit, aux entrailles de mon âme;
Là où son eau se lie si langoureusement
A la fièvre grande à souhait de ma flamme...
Tout mon cœur enivré préférait donc mourir!,
Mais mourir pour l'aurore! O!, que la Lune est belle!
On y verrait presque dans ses yeux se flétrir
La fleur, jadis osée, de l'amour éternel...
Ses yeux sont beaux, tendres! Tant de tendresse, enfin,
Dissimule un secret!...Peut-être est-ce celui
De la vie! Qui saura... Ce n'est que le matin,
Qu'elle vient chuchoter une histoire, endormie...
Et son conte est si beau... je voudrais m'endormir
Encore pour, sans mots, me lever à nouveau...
Je lui chuchoterais sans peine, non, sans dires,
Ce conte qu'on me conte et qu'on trouvera beau...

En attendant, amie, je t'attend près d'un pont,
Blottis dans ce trou de taverne toute froide;
Et pourtant il fait chaud! Oh que oui, il fait bon
Ici! O, on dirait l'eau de vie qui s'évade!...
Je t'attends près d'un pont, oui, de ce pont là-bas
Qui, semblant transpercer tout à l'horizontal,
Transperce mon âme!... C'est par ce pont, que moi,
Comme un gentil gamin, je deviendrai féal...
Et par la vie, oui!, que j'irai dans les sentiers
Derrière les champs où, jadis, l'eau mourrait...
Je ne serai féal que pour aller au pied
De la vie, en sa source!, et guérir de mes plaies!
Mon verre, désormais, se remplit d'avenir
Et de tiédeur, oui! Cette chaleur qui monte
En mon esprit! Amie! Je vois mes souvenirs
Devenir un futur! J'y vois aussi la fonte
De mon cœur! Animé de joie et de bonheur,
Je courrai dans les champs, volerai tel un ange
A la lueur des blés, où les rayons se meurent!...
Et puis je chanterai : «Â À vous!, à vous, mes anges! »...
Je serai loin, déjà, j'aurai fuis le bas!
Et l'aventurier que je serai sera
Libre!, comme un fantôme errant ici et là,
Qui se posera là où l'âme s'en ira!...
En attendant, amie, j'hiberne dans ce trou...

Mon verre finit par mourir, pendant que moi,
Moi, je poursuis mon rêve, et mon rêve s'évade!,
Oui!, il s'évade au loin, rien de plus ne tiendra
Mon songe en haleine, ni le rendra maussade,
Car à la Nature il rendra toute sa grâce!
Et dans un long soupir semblant crevé ciel
Et Terre, il se verra emporter sur la place
Où l'ancien mourrait fusillé sur l'autel
Par un fécond désir d'émanation d'art,
Désirant simplement quitter le joug mortel
Où je m'enivre encore! Vois mon âme à la barre,
Naviguer entre deux beaux feux... Elle, si belle...
Que tout devient beau! Et toutes ces couleurs!
Tout se mélange autour en un long tourbillon!,
Faisant de moi un Grand rêveur à la lueur...
Les couleurs, encore, deviennent de plomb!
En attendant, amie, moi je berce mon corps
A ce rêve encore frais, dans lequel, ivre,
Je me porte bien haut, à mon bien triste sort
Duquel je m'enivre,...qui me rendra heureux!...