Hypocritique lecteur, mon semblable, mon frère… Je levais la tête vers l'horizon rayé et inégalement déchiré par l'éternel priapisme humain. L'infini Babel découpait le ciel de son couteau urbain, et la crête surnaturelle de la ville, que tranchait le déclin lumineux du jour, rutilait. La cité sembla soudain s'être lovée dans un creux, les cieux eux-mêmes s'emmitouflèrent de couettes de smog, et les artères de la ville se remplirent d'un sang nouveau, d'un souple et bleu son aigu que sifflaient les nuages. Une odeur de jazz était dans l'air, mais romantique et triste, se jouant sur le battement criard des caisses claires, et inaudible, je le crois, pour tout autre que moi. Tout, je le voyais, sur le visage des couples heureux en sortie, dans les défilés d'amis aux gorges tranchées, tournait à vide comme un cœur dans un circuit fermé et condamné à l'exil intérieur. Soudain : pourquoi encore étais-je sorti ? Un instinct illogique, une force qui n'était pas de moi, m'y avait poussé, me rendis-je alors compte, et mon regard sembla glisser hors de moi pour s'en aller fixer mon corps, immobile, planté béat sur le trottoir pavé face auxquelles sifflaient les voitures, comme des carreaux d'arbalète. Une diabolique auréole d'albâtre d'un lampadaire à la parfaite lumière blanche fatiguait mon ombre usée par la journée, la faisant jouer sur quelques dalles injustement ajustées pour nos petits desseins. Je me sentis haïr tout, jusqu'à et surtout moi, en profondeur, tout sujet que tout est à la constance d'un inconstant relativisme, et tout mon être grondait dans la fausseté de cette pensée même, ouvrant cage sur cage et s'épuisant dans l'inabsolu de l'intellect injustement nommé suprême. Plus de vie que l'on ne peut compter d'étoiles (une fois hors de la ville) étaient possibles, accessibles : mais on ne m'en offrait qu'une. Pesante, légère, fière et misérable. Laissant alors mon pas traîner vers les rues sales et rouges plus loin, la vue de la vraie misère même ne me contenta point. J'en fis une raison de plus à ma colère de riche, que je n'étais pas même EN DROIT de ressentir. Je voulu me laisser manger par le gouffre ; je fus écartelé par l'envie de devenir le plus riche et le plus beau du monde, et celle de descendre avec ces femmes, couler avec l'alcool, et couler dans l'abandon. Puis je vis d'autres chaînes me saisir aux pieds. Et je vis l'inimportance du choix, à nouveau immensément lourde légèreté de tout. Sans aller dans la moindre direction, je me voyais déjà défait de moi, à présent tiré vers le bas par à-coups, strates et strates, attaqué, reptilien et nerveux. Un trait d'objectivité me fendait le crâne : petit poète, tu es bourgeois, bourgeois bourré par la joie, qui est là à ramasser, soi-disant facile, c'est moi l'imbécile ; facilité mortifère, cette prise de pouvoir du méta sur le tout physique, compressant dès l'état fœtal, oppressant ; mais je réprimais encore ce qui voulais m'entrouvrir la bouche : fatal ! De noir Ouroboros entachaient ma vision. On lit plus vite que l'on écrit : c'est la seule loi de l'oubli.

Écrit par Romainock
"La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse."(Essais, Montaigne, Apologie de Raimond de Sebonde)
Catégorie : Divers
Publié le 03/01/2013
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 03/01/2013 à 21:53:10
Une prose assez inintéressante. J'ai franchement adoré le début. Le style est fluide, direct, efficace... et puis, je trouve que ça s'essouffle. "Une odeur de jazz était dans l?air" m'a déjà gênée... le "était" tombe assez mal après l'envolée de la phrase précédente... Toute la partie centrale me procure la même impression de texte inachevé... ça fait assez écriture automatique, non retravaillée... et sur la fin, ça donne l'impression de redémarrer. Le style est a nouveau bon, moins laborieux ...

Enfin, il ne s'agit que de mon avis et j'espère ne pas t'avoir vexé. J?apprécie beaucoup ce que tu écris ^^

Oh, et j'oubliais, le thème est excellent !
Mistake
Posté le 03/01/2013 à 23:09:48
Merci de l'avoir lu intégralement, c'est déjà ça. Et je suis relativement d'accord avec tes critiques!
Romainock
Posté le 05/01/2013 à 14:40:23
Oki (tu sais, je suis obligée de lire jusqu'au bout... ^^)
Mistake
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19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
À méditer pour vous en ce jeudi.
11/04 04:09Sarahg
"La folie est un don de Dieu". Jim Fergus

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