Il m'a fallu penser que la souffrance ne pouvait toujours être repoussée hors de nous et attendre le prochain moment de faiblesse pour réapparaître. Si les nuits ne semblaient jamais s'achever, c'est sans doute que je croyais encore à l'idée d'un néant créateur qui pourrait tirer de mon insignifiance, de mon rapport difficile aux choses et aux autres, ainsi qu'à moi-même, une sorte de réponse à demi-révélée à mon trouble et mon effroi. J'avais pourtant la conviction que les silences prégnants n'étaient pas tous les miens, qu'il y avait là quelque chose qui n'osait pas se dire, mais que je pouvais percevoir, ressentir, avec une conviction égale à celle avec laquelle je vois et reconnais les choses ; malheureusement, je ne pouvais que constater, je ne pouvais qu'éprouver cette conviction. Cette déchirure que je pensais être au cœur des choses, par un savoir que je tenais de l'enfance, j'ai appris à l'étreindre avec autant de force qu'elle-même savait déployer en moi et autour de moi pour creuser encore plus grand la faille. Je savais déjà par le passé la tristesse et l'amertume ; j'appris à les utiliser pour faire le pont entre les choses et moi, et j'avais conscience de tout le monde qui y traversait : la solitude fut immense. Seulement je ne pouvais ignorer les pulsions violentes qui secouaient parfois mon torse, le phénomène physique de mon échec d'intégration au monde ; en cela pour cause non pas la solitude, que j'ai appris à aimer, non pas la nuit, que j'ai appris à craindre avec déférence, mais comme le vent qui secouait le bois et les cordes suspendus, le besoin d'appartenir à quelque chose au dehors. Il me fallait embrasser et tenir dans mes bras l'horizon, la douce présence d'un arbre, il me fallait sentir près de moi le parfum d'un autre, toucher une peau étrangère, voir, voir comme on voit au premier jour, avec autant de sagesse qu'au dernier jour, voir toute chose comme si je n'étais plus que la conscience de cette chose, et m'abandonner auprès des autres comme le soleil, le soir, abandonne sa lumière : je voulais m'abandonner dans cet amour déversé, comme une chute éternellement renouvelée. Il me fallait vivre, et je ne portais en mon cœur que la mort accumulée chaque jour et chaque nuit – et dont le vent est chargé.

Écrit par Poesie nocturne
https://www.facebook.com/letombeaudespaquerettes/
Catégorie : Triste
Publié le 24/02/2017
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
Poème Précédent

Partager ce poème:

Twitter

Poème Suivant
Commentaires
Annonces Google
Posté le 24/02/2017 à 23:07:20
C'est un très beau texte, profond, dans une veine romantique, où la solitude et l'altérité se présentent comme deux facettes affrontées d'un même désir.
jacou
Posté le 25/02/2017 à 00:47:31
Maître Jacou m'a devancé, j'allais employer le même terme "profond". Bel écrit.
suane
Posté le 25/02/2017 à 06:51:53
D’une grande intensité, j'aime... à suivre peut-être ?
lefebvre
Posté le 25/02/2017 à 09:44:29
Il ne faut pas t'abandonner par inconscience sans prendre le temps d'analyser la vie.
eric
Posté le 25/02/2017 à 21:30:26
j'abhorre la raison et l'analyse ; mon abandon n'est pas celui d'un inconscient, mais d'un surplus de conscience, d'un débordement.
merci à vous tous, jacou (vos commentaires touchent souvent justes), suane, lefebvre (oui sûrement à suivre) et eric
Poesie nocturne
Posté le 26/02/2017 à 09:24:21
J'aime beaucoup la deuxième partie, cet amour pour ces choses auxquelles personne ne fait attention et qui sont toute une vie. Superbe !
Eleidora
Commentaires
Annonces Google
Ajouter un Commentaire
Vous devez etre identifié pour pouvoir poster un message
Veuillez vous identifier en utilisant le formulaire ci-dessous, ou en creant un compte

S'identifier
Login :
Password :
Apparaitre dans la liste des connectés :

Mot de passe perdu ?

S'identifier

Login
Password
Etre visible
Mot de passe perdu

Rechercher un poème


recherche avancée

Tribune libre

17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
À méditer pour vous en ce jeudi.
11/04 04:09Sarahg
"La folie est un don de Dieu". Jim Fergus
08/04 11:25Sarahg
Portez vous bien les poètes.
08/04 11:25Sarahg
A méditer : on ne se trompe pas de chemin ; on avance, poussé par nos ailes.
08/04 11:13Sarahg
Bonne soirée et bonne nuit à vous, Ange de Lumière.
08/04 09:11Ange de Lumiere
Très belle soirée à tous
08/04 08:42Ange de Lumiere
Bonsoir les poètes
07/04 09:03Ange de Lumiere
Bonsoir à tous
07/04 08:59Yuba
Je souhaite la bienvenue à Ange de Lumière, de nouveau parmi nous chez les modos :)

Qui est en ligne