Mon âme était comme un oiseau
Posé sur l'aile de l'aurore,
Le printemps semblait si nouveau
Que l'azur en frémit encore.
Le regard de mon fiancé
Avait la profondeur des roses
Dont le souffle à peine esquissé
Connaît le mystère des choses.
Mon bel oiseau ne chante plus,
Et mon âme est triste et fanée :
Ses pétales se sont perdus
Quand l'aube du vent s'est brisée.
Ce matin-là des cavaliers
Sont arrivés dans nos villages,
Ils avaient de la tête aux pieds
Des airs de conquérants sauvages.
Je n'ai vu qu'un fusil pointé,
Alors a claqué la lumière …
Je n'ai vu que mon bien-aimé
S'effondrer là, dans la poussière.
Mon bel oiseau, le ciel est mort …
Ô mon âme, ta voix s'est tue,
Toi dont le feu était si fort,
Mon âme désormais si nue …
Par quel miracle ai-je échappé
Au soleil cru d'Anatolie ?
Vers quel exil ai-je marché,
Sur quel océan de folie ?...
Le soir descend sur l'horizon,
En ce pays de ma vieillesse,
Le silence de la maison
Me fait présent de sa caresse.
Mon bel oiseau, toi que le temps
Garde sous son aile infinie,
Mon âme, l'aurore des vents
Est comme un long chant d'Arménie …
* * * * * * * * * * * *
Note : Ce texte s'inspire très librement du livre "Mayrig" (Editions Robert-Laffont 1985)
d'Henri Verneuil (né Achod Malakian) et du film qu'il en a tiré en 1991,
œuvres où il rend hommage à sa famille qui, fuyant le génocide dont étaient
victimes les Arméniens depuis 1915, arriva à Marseille en 1924 (il avait quatre ans).
L'épisode qui sert de "socle" au présent poème est celui où le fiancé
de la plus jeune des tantes de l'enfant est abattu froidement par un membre
du mouvement des "Jeunes Turcs", car telle était la consigne :
"Pas de quartier, pas la moindre pitié".
Écrit par Ombrefeuille
De la corolle du silence
Le parfum de l'âme s'élance. (Ombrefeuille ... tout simplement ...) Catégorie : Triste
Publié le 04/06/2021
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Magnifique et triste cette métaphore de l'oiseau. Bravo ! |
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virgile |
Une histoire triste écrite de façon émouvante. La colère des hommes crée tant de douleur. | |
fee-de-ble |
bonjour Ombrefeuille tes mots qui rappellent le génocide arménien dans toute son horreur ! tes mots inspirés sont remarquables !ce poéme m'a beaucoup touché ! merci ! en favori ! bonne journée ! prends bien soin de toi ! à bientôt ! amitiés vives :) |
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romantique |
Très sensible, très bien écrit Merci Ombrefeuille |
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Edelphe |
Sublime ...tu as trouvé les mots et l'émotion et tu les as transmise D'une belle façon ... Merci Ombrefeuille |
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MARIE L. |
Un poème saisissant, déjà par le thème dramatique que tu évoques, mais aussi par la retenue de ton expression qui n'en renforce que plus l'intensité et la sensibilité. Je sais ton intérêt pour la culture arménienne et pour l'histoire tragique de ce pays, qui n'est hélas pas reconnue comme elle devrait l'être. Il est vrai qu'en notre bonne ville de Valence, il y a une importante communauté arménienne, beaucoup d'exilés s'y étant établis après avoir fuit le génocide de 1915, ce qui fait qu'aujourd'hui au moins 10% de la population locale est d'origine arménienne (totalement ou partiellement), avec une communauté religieuse et une église bien implantées, d'ailleurs. Et ce que j'admire chez ce peuple, c'est la richesse de leur culture, qu'ils savent garder vivante. |
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Matriochka |
Bonsoir, Magnifique et Touchant .. Belle Idée d'interpréter ce qui fut ce Drame par ce Bel Oiseau .. Ta Plume a cet Art pour narrer ces Tragédies .. Chapeau Bas ! Admiration ! Amitié *** LyS .. |
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Lys-Clea |
Un grand merci à tous et à chacun pour vos lectures attentives et vos mots qui disent combien vous avez été sensibles, au-delà de mon texte, au drame de tout un peuple. La métaphore de l'oiseau m'est venue spontanément à l'esprit, et j'ai choisi de laisser un peu de flou quant à ce que figure cet oiseau, à la fois le bien-aimé et l'âme de celle qui parle. C'est vrai, la culture arménienne m'intéresse vivement, et je suis admirative de la grandeur de ce peuple, une grandeur qui ne cherche pas l'éclat mais sait demeurer vivante dans le silence et l'humilité. |
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Ombrefeuille |
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