Il a bondi, il a surgi avec les autres,
La peur au ventre, à découvert, le vide au front,
Il a jailli de la tranchée, avec les autres,
Hurlant, courant, lancé baïonnette au canon.

Combien de temps a-t-il ainsi, à perdre haleine,
Couru, bondi, hurlé, avant qu'un souffle lourd
Ne le lance soudain sous la nuée lointaine
Et ne le jette enfin sur le sol froid et sourd ?

Le voilà presque mort sur la terre broyée,
Il est si beau, pourtant, il est si jeune aussi …
Et le voilà broyé sur la terre endeuillée,
Seul. Les autres sont loin, sous le feu ennemi.

Il était pourtant si beau, si vivant, naguère,
Sur les chemins, là-bas, sur le seuil, sous le toit,
Sous la lampe du soir … C'était avant la guerre,
Avant que le tocsin ne le glaçât d'effroi.

Il ne lui reste plus de ces lentes années
Qu'un parfum fugitif d'aube et de bois coupé ;
Il n'est plus qu'un hoquet de secondes brisées,
Dans la boue dévastée et dans le sang séché.

Car déjà le froid monte, et sa griffe de pierre
L'enserre peu à peu, sans hâte et sans merci.
Se peut-il que s'élève une ultime prière
Quand l'engloutit ce gouffre avide, inassouvi ...

Tant et tant sont tombés dans la course effrénée
Où tournoient ciel et terre, où s'entassent les corps …
Il n'entend plus les cris de la chair déchirée,
Il n'entend plus, déjà, le silence des morts.

La guerre est là, partout, arrogante, ironique,
Elle a dicté sa loi et proclamé ses dieux :
La Superbe des Grands et leur Morgue Cynique.
- Lui n'est plus même un souffle, il a fermé les yeux.

Qui pleurera son nom, son rire et son visage ?
Restera-t-il de lui, sous la lampe du soir,
Quelque geste oublié, un peu de son courage
Et ce paisible seuil où il aimait s'asseoir ?

Qui pourra consoler dans l'aube solitaire
Les chemins esseulés, et faire quelques pas
Sur la colline errante où la brume est amère,
Où les bois sont si loin, où le ciel est si las ?...

* * * * * * * * * * * *

Note : J'ai écrit ce poème en 2014 et je l'ai un peu corrigé
afin de le poster ici aujourd'hui, alors que Maurice Genevoix,
auteur du célèbre "Ceux de Quatorze", entre au Panthéon

Écrit par Ombrefeuille
De la corolle du silence
Le parfum de l'âme s'élance.
(Ombrefeuille ... tout simplement ...)
Catégorie : Histoire
Publié le 11/11/2020
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 11/11/2020 à 19:31:04
sublime sensible fascinant! un ardent hommage de ta plume agile !tu as su décrire ce champ terrible de bataille avec le sang la mort la peur...de ces malheureux poilus! en favori! et merci de cet écrit "vivant"
bonne soirée! bon courage! prends soin de toi! amitiés vives:)
romantique
Posté le 11/11/2020 à 19:40:45
Bonsoir..

Devrait être lu dans les Ecoles ……… !!

Bravo ! je n'ajoute Rien d'autre, ta Plume dit , s'exprime ..

Affection,
LyS ..
Lys-Clea
Posté le 12/11/2020 à 10:47:34
Ce magnifique poème, je le place en favori, merci mille fois Ombrefeuille d'écrire avec flamme pour décrire le feu de la guerre qui prend aux tripes qui la mène pour rester vivant, quand est bousculé l'ordre de l'univers, quand la vie devient sans prix et la mort une compagne familière.
Votre poème est magistral, je l'apprécie pour son mouvement qui m'a captivé, j'avais le sentiment d'être auprès d'un combattant. Ce "parfum d'aube et de bois coupé" de la 5ème strophe, la plus belle, est une évocation qui trouve en moi des ramifications.
Un poème majeur, de votre plume ! Bravo ! Je viens rendre hommage un peu tard, excusez-moi, mais le deuil est éternel il est vrai... Le courage qu'il a fallu, alors, demeure pour moi sidérant.
jacou
Posté le 12/11/2020 à 11:53:27
Magistral et grandiose ton poème Ombrefeuille. .
J'ai su il y a peu que le Portugal avait aussi participé à cette guerre
(Des poilus Portugais hihi ) blague à part Il y a un cimetière en leur honneur dans le Nord de la France ...

Pardon pour ce petit clin d'oeil humoristique sous ton poème j'aurais aimé te dire autre chose mais parfois il vaut mieux en rire qu'en pleurer
Les guerres sont la faiblesse de l'homme ..
MERCI et
Bonne journée :)
MARIE L.
Posté le 12/11/2020 à 18:59:41
Sublime hommage
Vermeil
Posté le 13/11/2020 à 11:22:32
Trop touchant poème!
je remarque aussi , la fraicheur sur le visage de ces jeunesse soldats
qui ont sacrifié leurs belles années à la vie d'une nation , d'une cause à laquelle ils croyaient...

Je n'aime pas vraiment les guerres d'aujourd'hui , leur atrocité me dépasse et pense qu'elles sont inutiles, et que les choses peuvent se régler sans passer par leur case meurtrière... surtout quand nous savons que le profit est leur seul moteur ...mais c'est un autre débat ...

L'hommage rendu ici est de toute beauté ! merci et bravo Ombrefeuille !
Yuba
Posté le 13/11/2020 à 17:13:18
Magistral!
La puissance de ton écriture, la justesse des mots et des évocations donnent à ressentir l'horreur que fut cette guerre, la peur viscérale dans laquelle les combattants se trouvaient plongé, sans choix de s'y soustraire, et d'imaginer ce que ces hommes allant au sacrifice pouvaient penser.

Le sujet de la guerre 14-18 me passionne également, et ce que tu évoques avec tant d'intensité dans ce poème rejoint tout à fait ce que j'ai vu et lu dans des documentaires, des films et des témoignages.

Mais, au lieu d'apprendre de la folie de cette guerre et du sacrifice de ces hommes pour s'engager sur un chemin de paix, l'humanité préfère s'obstiner dans des conflits dont chacun apporte son lot de morts, de mutilés, d'exilés et de vies brisées (à commencer par 1939-1945).

Merci beaucoup d'avoir rendu un tel hommage aux sacrifiés de 14-18.
Matriochka
Posté le 17/11/2020 à 17:12:43
Grand merci à tous et à chacun pour vos lectures aux portes de la
Mémoire, de ce que nous devons à ces combattants.

La guerre nous interpelle par sa violence d'abord, mais aussi par
les effets qu'elle produit au cours de l'Histoire, et nous pensons
avec effroi que nous ne serions peut-être pas là pour échanger s'il
n'y avait pas eu tel ou tel conflit qui a provoqué des exodes, des
rencontres qui n'auraient jamais eu lieu sans cela, des nécessités
pour tel ou tel à changer de "rang" social ou de région ...

J'ignorais également qu'il y ait eu en 1914-1918 des combattants
portugais. Ils ont leur place dans notre commune affection.

Et pas de souci, Marie, pour le trait d'humour :) Il vaut mieux
parfois rire que pleurer, et je crois que les "Poilus" avaient
développé un type d'humour assez grinçant, la seule façon
souvent pour eux de narguer la mort qui les harcelait.
Ombrefeuille
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19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
À méditer pour vous en ce jeudi.
11/04 04:09Sarahg
"La folie est un don de Dieu". Jim Fergus
08/04 11:25Sarahg
Portez vous bien les poètes.
08/04 11:25Sarahg
A méditer : on ne se trompe pas de chemin ; on avance, poussé par nos ailes.
08/04 11:13Sarahg
Bonne soirée et bonne nuit à vous, Ange de Lumière.
08/04 09:11Ange de Lumiere
Très belle soirée à tous

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