Ce calligramme, bien qu'écrit à la première personne, n'est pas tiré de ma propre vie de famille mais dû aux confidences que me fit un ami. Je ne fais ici qu'écrire son dire.

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Histoire de famille
(Le bol à bouillon)

Un jour l'aïeule a demandé qu'on lui donne désormais sa tisane
du soir et sa chicorée du matin dans le bol à bouillon dont elle ne s'était jamais servie.
Hérité d'on ne savait plus qui, ce bol en fine porcelaine blanche cerclé d'un seul fil d'or
n'avait, de mémoire de vivant, quitté la vitrine aux «trésors» de la salle à manger que pour
être, avec les verres en cristal et quelques pièces d'argenterie, nettoyé avec soin avant de
regagner l'abri où ils étalaient tous leur inutilité cossue. Sa fille (vieille fille), ma tante,
revêche comme à l'accoutumée (elle en veut au monde entier, dit-on dans la famille
quand elle n'est pas là, d'avoir fait fuir deux prétendants à cause de son
odieux caractère) refusa tout net: «Quelle est cette lubie? Une tasse ordinaire
ne te suffit-elle pas? Des idées de grandeur te viennent en fin de vie?» dit la
chipie. Mon sang ne fit qu'un tour car je vis deux larmes perler aux yeux de
mon adorable grand-mère: «N'as-tu pas vu que ce bol a deux anses, et donc
qu'il lui sera bien plus facile de le tenir pour boire? N'as-tu pas vu que
depuis quelque temps elle tient sa tasse habituelle à deux mains car les
forces lui manquent et que ses tremblements augmentent? » J'ajoutai
même et je n'en rougis pas: «Bécasse!», sauf à présenter mes
excuses au malheureux volatile. Le comparer à mon odieuse
tante, c'est bien sûr lui qui pourrait se dire injurié.
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On comprendra aisément que de ce jour ma tante ne m'adressa plus la parole;
en revanche le reste de la famille me regarde presque en héros!