Avec mes amitiés je dédie à Flipote ce conte en 18 quatrains
dont le fond découle d'un de ses commentaires
sous mon tanka «Séduction» (publié ici 27.03.2014)

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Le cri du paon
(dans la tradition polythéiste grecque)

L'Olympe ce jour-là explosait de clameurs...
Héra se lamentait, pleurant sur son malheur
D'avoir pour seul époux son frère si volage
Qui se complaisait tant dans le libertinage.

N'ayant aucun amant, en épouse modèle
Néanmoins attachée au mari infidèle,
Elle récriminait contre Zeus le perfide,
Roi des dieux et champion dans les amours turpides.

Déesse vénérée des couples légitimes
La voilà qui était à nouveau la victime,
Blessée dans son orgueil, d'un indigne adultère
Commis impudemment non au ciel mais sur terre.

Une nommée Léda, une fille des hommes
N'ayant avec les dieux rien de commun en somme,
Envoûtée sans pudeur par un cygne avatar
Se retrouvait séduite et mère d'un bâtard.

Une conquête encore, et parmi les mortelles!
Une avanie de plus pour Héra l'immortelle
Trompée par son mari, même avec un garçon,
Ganymède, que Zeus gardait pour échanson.

Courroucée au delà des disputes passées,
Dont le séjour divin souvent retentissait,
Elle insultait le dieu, furieuse et menaçante,
D'une voix suraiguë, éraillée et grinçante.

Lui, très calme au début, écouta patiemment
Son épouse hurler tout son ressentiment
En caressant son paon, animal favori
Emblème et confident de l'épouse en furie.

L'animal rutilant de ses riches couleurs
Recueillait pour son chant des hommages flatteurs ;
Magnifique il volait et courait avec grâce,
Héra avait pour lui une affection vivace.

Protégé et aimé de la belle déesse,
Objet de tous ses soins, de multiples caresses,
L'oiseau était fidèle et souvent la charmait
Avec quelques beaux chants parmi ceux qu' elle aimait.

«Mais regarde-le donc, toi, le traître parjure!
Toi le fornicateur qui me couvre d'ordure
Regarde, lui au moins me respecte et m'amuse!
Pour me montrer sa foi il chante avec les muses!»

«Par mon nom, ça suffit! -tonna Zeus brusquement-
J'en ai bien plus qu'assez de tes glapissements
Infidèle je suis, et alors? C'est mon droit!
Des dieux et des humains ne suis-je pas le roi?

Tu uses ma patience! Même tu me menaces!
Si je ne réagis je vais perdre la face!
Je vais donc te punir par le stupide amour
Dont tu gaves ce paon avec tous tes mamours.

Tu l'aimes plus que moi, voilà l'inadmissible!
A jamais mon décret sera irréversible :
Ton oiseau tant chéri qu'à tout moment tu fêtes
N'aura plus comme voix qu'une horrible trompette.

De ce jour je lui donne un cri abominable,
Guttural, nasillard, puissant mais misérable ;
Plus de chants délicieux, juste une trompe immonde!
Il en sera ainsi pour tous les paons du monde.

Chaque fois qu'il criera tu auras dans l'oreille
Les mêmes sons odieux et des clameurs pareilles
A celles qu'aujourd'hui tu as poussées, mégère!
Va, je ne t'aime point lorsque tu vocifères.»

C'est ainsi que le paon, innocente victime,
Fut privé de sa voix auparavant sublime ;
Telle est la tradition racontée par l'aède
Qui aux secrets divins curieusement accède.

Les dieux sont capricieux, les dieux sont querelleurs,
Et quand ils n'osent pas condamner l'un des leurs
Ils passent leur courroux en frappant avec zèle
Ses parents, ses amis, ses serviteurs fidèles.

Sur terre les puissants, comme les immortels,
Traitent le petit peuple à l'instar d'un cheptel ;
Pour ne pas s'exposer à se détruire entre eux
Ils envoient au combat le flot des malheureux.