Dans une croisière, sur le même bateau, on est incognito.

On vogue sur les eaux, oublie comme on se nomme.

Il y a ceux tout là-haut ! Il y a ceux tout en bas au ras des flots.

Là-haut il y a des riches, très riches. En bas, tout en bas sont ceux qui en ont moins beaucoup moins, beaucoup, beaucoup moins.

Là-haut il y a ceux qui ont des grandes, grandes cabines trop grandes. On les appelle suites. Espace grand large, luxueuses.

En bas il y a ceux qui n'en ont pas…de suites mais des petites, toutes petites cabines enfin des grands placards. Ils dorment sur leur valise ou bien la valise dans les bras. Si, si, ils dorment ! Se douchent et chient au même endroit ou presque. J'exagère mais oui ! Mais les odeurs…partagent le même espace. Faut le dire tout de même ! Faut avoir de l'ordre dans sa tête, dans ses tripes, dans sa vie quand on n'est pas riche.

Et au milieu ? Il y a tous les autres, le voyageur lambda, le découvreur par tradition. C'est le pont dit supérieur. Celui du dessus? Pont des canots ; celui d'en bas? C'est simple, il est inférieur ! Normal ! Donc ceux du milieu, les plus nombreux, sont là, pas pour un repos entre deux gros contrats, pas non plus pour le voyage dont on rêve pendant des années. Non le baroudeur traditionnel, la famille exemplaire, le couple qui planifie ses dépenses et sa vie. Qui a l'habitude des petits espaces, qui sait comment ça se passe. Il a choisi. Le rétréci pour ne retenir que l'utile. Le superflu, il y a longtemps qu'il s'en passe. Il compte toujours. Il planifie vous ai-je dit ! Et dans sa barbe souvent il sourit.

Mais aux repas, on se côtoie. Au cinéma ensemble on débat. Pas de tra-la-la !

En excursion, on échange, on partage tout, l'espace, les commentaires, les fous rires, les sourires en coin, les critiques. Dans l'autocar, le partage se fait autrement, les exigeants, les parvenus qui en jettent, les vrais et faux malades, et puis ceux qui s'en fichent même s'ils ont du fric.

Dans la bibliothèque, on fait des rencontres, moins de monde déjà ! Mais on y trouve la revue de presse ! L'homme de droite, droit dans ses bottes, tout sourire, ne le dit pas, on devine, l'écrivaillionne qui se dit de gauche mais qui s'en fout. L'homme de presse qui s'empresse, la femme de rien qui se distrait bien. On est là pour oublier. Et surtout rien, rien sur son identité. On suppute, on devine, de sujets hautement philosophiques on dispute, en fait on lambine, on coquine !

Ceux qui ont les super-mobiles, iPhone, bigophones ultra sophistiqués, on ne les trouve pas là. Sont aux bars pour passer le temps, pour les jeux divers, divertissants. On se marre, ça gagne des tickets pour un apéro. C'est sympÔ ! Il y a ceux qui trinquent tous les soirs et ceux qui noient leur désespoir.

Il y a ceux qui ont laissé leurs grandes propriétés, très grandes, bien trop grandes, ne le disent pas! Qui font une pause dans leurs trop grandes responsabilités. Se laissent aller, tranquilles au milieu des eaux. Il y a toujours la femme qui veille, qui surveille. Tant de dangers sur le bateau sous forme d'une brune aux talons trop hauts, une blonde vaporeuse trop court vêtue et puis celle qui ose les seins nus derrière son hublot, celle qui prend des poses près de la piscine et puis les intellos, les pires !

Il y a le vieux beau qui ouvertement drague la vieille qui voudrait profiter mais….Il y a des vieilles bien restaurées, il faut l'avouer ! Et puis parfois, il y a le mari qui surgit, on ne l'avait pas imaginé celui-là !

Il y a ceux qui sont partis pour oublier les bruits de la ville et puis ceux qui attendent la musique du soir, les frôlements dans le noir, la piste disco, c'est relou !

Il y a ceux qui ont plein de fric, trop de fric qui dégouline en verres d'alcool fort, en cocktails sophistiqués, en parfums musqués.

Il y a ceux qui ont trimé toute une année et qui dépensent avec parcimonie les euros qu'ils ont eu tant de mal à gagner.

Il y a ceux qu'on rencontre trop souvent fortuitement sur le pont soleil, sur les coursives. On se salue, on sourit. Et puis tant pis !

Il y a les grands patrons qui ne savent plus baisser les yeux, à la suffisance hautaine qui malgré eux vous toisent. N'ont plus que l'alcool à courtiser ! Pas drôle de les trop fréquenter ! N'aiment pas partager ! Et puis il y a celui au sourire à la Voltaire qui s'amuse. On se repère. On se flaire, on sympathise mais jamais on ne se livre !

Il y a, il y a une sacrée belle image de la société sur le navire de croisière. Un microcosme ! On attendrait Agatha ! On ne peut se lasser de regarder, d'écouter. Façon Christie ! On en oublierait d'être sage, on en oublierait le paysage ! On en oublierait presque qui on est, qu'on n'est que de passage.

Dans une croisière, on se croise, on se décroise, on s'entrecroise. Rencontres sans lendemain. Parenthèse éphémère.

Sur la terre ferme, autour des valises qui tournent, tournent, c'est fini ! On ne se connaît plus. Chacun disparaît dans sa nuit. Restera dans un coin du souvenir comme une bulle de lumière qui peut-être un jour explosera.

Écrit par Moi80
Aimer la vie à en devenir fou est une super façon d'être heureux!
Catégorie : Drole
Publié le 17/07/2016
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 17/07/2016 à 19:14:58
C'est terrible tout ça... enfin je veux bien te croire c'est abject....
eric
Posté le 17/07/2016 à 20:43:40
C'est presque un reportage in vivo, réfraction de notre société inégalitaire où les castes se croisent sans s'interpénétrer. Les paquebots me fascinent, mais de loin, vastes huis-clos flottants.
Merci pour ce partage d'impressions vécues.
jacou
Posté le 17/07/2016 à 21:06:46
C'est ça, vraiment ! Heureusement faut prendre du recul ! C'est comme un jeu ! Et puis il y a tout de même le paysage, les escales, des lieux inoubliables.... Bizarrement, c'est ce que je devais écrire en premier !
Moi80
Posté le 17/07/2016 à 21:19:03
Où était-ce ? (Mais vous nous ménagez peut-être la surprise sous forme poétique...)
jacou
Posté le 17/07/2016 à 22:19:06
Peut-être ? Mais croisière fluviale...moins de monde que sur un paquebot:120 personnes....
Moi80
Posté le 18/07/2016 à 00:24:30
Bonsoir Moi80,

Waouh ! C'est tellement bien écrit que l'on voit les scènes se dérouler sous nos yeux...

Belle nuit !
Mes amitiés
Sybilla
Sybilla
Posté le 18/07/2016 à 07:04:24
Gentille, Sybilla, merci. J'aime ce bel enthousiasme !
Moi80
Posté le 19/07/2016 à 07:58:49
Pas de mal de mer au moins...
J'adore :)
MARIE L.
Posté le 19/07/2016 à 11:54:37
Pas de mal de mer, et j'y soigne mon mal de mère et de belle-mère !
Moi80
Posté le 20/07/2016 à 22:22:57
Merci Moi80 J'ai beaucoup aimé Je me suis amusée C'est drôle plein d'humour et tellement vrai Une analyse complète de notre société
roserose
Posté le 21/07/2016 à 11:15:07
Elle reste une belle expérience...à renouveler ou non...c'est la question !

Amitiés
Yuba
Posté le 24/07/2016 à 23:03:14
Merci roserose et yubanca. Bien-sûr c'est la vie et je m'y suis bien amusée...en croisière ! C'est plein de surprises.
Moi80
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19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
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11/04 04:09Sarahg
"La folie est un don de Dieu". Jim Fergus

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