La pénombre s'insinue entre les arbres
de la forêt des Carpates où nous errons,
égarés, avec mon groupe de randonneurs.
Alors que la nuit va tomber,
nous ne retrouvons plus
notre chemin vers le village
et ne savons plus où aller,
tournant en rond depuis des heures.
Que faire ? Faut-il nous arrêter,
dormir ici, à la belle étoile,
sur ce tapis de feuilles mortes ?
Ne serait-ce pas dangereux ?
L'angoisse monte, devient palpable
quand l'un de nous aperçoit,
émergeant au-dessus des frondaisons,
un toit circulaire, étroit et pointu.
Nous sommes sauvés !
En toute hâte nous nous dirigeons
à travers les troncs et les fourrés
vers ce qui se révèle être un château
à mesure que nous approchons.
La lourde porte cloutée étant ouverte,
nous entrons, prudents et intimidés.
Un silence absolu règne en ce lieu
qui semble inhabité, abandonné.
Nous avisons, le long de la courtine,
une remise où reste un peu de paille
et décidons de nous y abriter,
d'y prendre quelque repos
en attendant le lever du jour.
A peine sommes-nous installés
qu'une foule nombreuse arrive,
envahit la cour, s'y éparpille
à la lueur de torches flambantes.
A notre grand effroi elle se compose
de démons cornus et poilus,
de sorcières échevelées et débraillées,
de gnomes hirsutes et difformes,
de vampires hautains et cadavériques,
de spectres décharnés et blafards,
de fantômes informes et fuyants.
Toute la nuit l'horrible troupe
mène bruyante sarabande et grand tapage
sous nos yeux sidérées et effarés.
Pendant qu'un prêtre damné
psalmodie une messe noire,
les convives font grasse ripaille
d'un plantureux banquet bien arrosé
et, débridés par l'atmosphère orgiaque,
forniquent sans retenue aucune,
laissant libre cours à leurs pulsions bestiales.
L'air s'emplit de relents pestilentiels,
d'un épouvantable tintamarre
de rires tonitruants, de ricanements grinçants,
de cris gutturaux et de râles sauvages,
à vous donner la chair de poule,
à vous faire dresser les cheveux sur la tête,
à faire trembler la voûte céleste,
à faire s'éteindre les étoiles de peur.
Pris de terreur, nous nous efforçons
de rester discrets en notre refuge,
et aucune de ces créatures infernales,
par miracle, ne nous découvre.
La bacchanale diabolique
dure ainsi jusqu'à l'aube,
mais dès que l'obscurité pâlit,
l'assemblée démoniaque disparaît
d'un seul coup, laissant place nette,
comme si rien ne s'était passé.
Alors sans nous attarder un seul instant
à nous demander si cette nuit étrange
était cauchemar ou réalité,
rassemblant le courage qu'il nous reste,
nous prenons nos jambes à notre cou,
nous nous enfuyons de ce lieu maudit
à travers la forêt, droit devant nous…
… et nous retrouvons,
comme par enchantement,
au milieu de la place du village.
Écrit par Matriochka
Côté ombre plume sombre, côté lumière plume claire.
Catégorie : Fantastique/Sf
Publié le 31/10/2020
|
Poème Précédent | Poème Suivant |
Fantastique/Sf à découvrir... | Poèmes de Matriochka au hasard |
Annonces Google |
félicitations pour ce poéme horrifique et lugubre mystérieux et terrifiant !pour Halloween tu as su trouver l'inspiration! en favori! merci j'ai bien aimé! bonne soirée! prends bien soin de toi! amitiés:) | |
romantique |
Brrr ... Effet garanti ! On frémit et on se demande ce qui pourrait bien arriver à ces infortunés randonneurs (dont tu fus donc ?) si par malheur une seule de ces créatures des ténèbres se rendait compte de leur présence ... J'ai particulièrement aimé ton évocation ciselée de ces êtres repoussants, où la richesse du vocabulaire nous les rend palpables. J'ai aimé aussi la force du tableau du tapage qu'ils mènent, où les bruits deviennent audibles sous ta plume. Moi qui ai toujours rêvé de passer une nuit à la belle étoile en forêt, je me demande finalement si morose reconfinement ne vaut pas mieux que nuit de terreur ... Merci pour ce poème très "Halloween", propre à nous déconfiner l'esprit et l'imagination :) |
|
Ombrefeuille |
Je me suis laissé emporter! Bravo et merci pour ce frisson savoureux | |
Vermeil |
Magnifique film poétique ! J'ai lu une belle narration d'un conte fantastique . Je te remercie Matriochka et te félicite vraiment pour le choix des mots qui envoient vers des images qui reveillent aussi fort nos sens , baignés ainsi que nous sommes ,dans cette fiction , exités de la vivre pleinement puis de la quitter soulagés!ouf !!! |
|
Yuba |
Merci beaucoup à vous, Sylvain, Ombrefeuille, Vermeil et Assia, pour m'avoir donné vos impressions sur ce poème, une de mes rares productions dans le domaine du fantastique, et pour vos compliments qui me touchent toujours beaucoup. Heureusement, je n'ai pas eu à vivre une telle nuit, et seule mon imagination a fait partie de ce périple nocturne où l'étrange angoissant tient le premier rôle! J'ai pensé que ce poème était un partage idéal pour donner un petit air d'Halloween malgré le confinement auquel nous sommes soumis! Au plaisir de lire vos récents partages, tout amicalement à vous :) |
|
Matriochka |
Halloween est dans les Carpates et dans ton poème une sarabande dantesque, une épouvantable démonstration digne de Goya ! Le monstrueux s'assemble dans tes vers, c'est une société secrète de l'effroi, s'y frotter dans ta compagnie est délicieusement horrible, ha ha ! J'adore le monstre, le torve et rampant et gluant damné de la nature, l'être non fini, la négation qui tend son miroir et fait frissonner qui s'assoit dans ses certitudes ! Le monstre, "mon semblable, mon frère" est l'invité du diable, mais avec toi, Matriochka, je vais en confiance assister au sabbat, près du grand bouc ! Ton poème est si peuplé, si vivant, il grouille de présences ! Si elles sont amicales, ceci est une autre histoire lol... Avec ma constante amitié pour toi :) |
|
jacou |
Un vif merci à toi mon cher Georges pour ton impression, d'autant plus que je ne suis pas familière du style fantastique, dans ce sens que ce n'est pas (encore) une de mes sources d'inspiration favorite pour écrire sur ce thème, car j'apprécie d'en lire, et particulièrement tes poèmes dans ce genre, que je trouve toujours très réussis. Je note ta référence au grand Baudelaire dans ton commentaire, quand tu écris "Le monstre, mon semblable, mon frère", vers issu de son poème "Au lecteur", que j'aime particulièrement. Avec mon amitié toute vive pour toi :) |
|
Matriochka |
Annonces Google |