Même si depuis longtemps nos parents sont morts
on garde leur présence au plus loin de nos coeurs
le geste qui apaise, passé le long du corps
et la main sur le front pour soigner nos humeurs
la mère qui cousait pour nous vêtir moins cher
la machine à coudre et son bruit si régulier
et tous les essayages aux épingles amères
montée sur une table pour tracer les ourlets
les jupes trop serrées pour faire la taille fine
et de rentrer son ventre et ne plus respirer...

Le poulet dans le four en attendant qu'on dîne
le dimanche midi, les patates sautées
et le père qui passe un air d'accordéon
même si la mère trouvait cela vulgaire
alors que le soleil envahit le salon
priant du fond du coeur qu'il n'y ait pas de guerre.

Parfois tout allait bien, le vin était joyeux
pour le père qui buvait son Margnat Village
en lisant le journal, apaisé et heureux...
Mais parfois l'atmosphère tournait à l'orage
les parents se tuaient de leurs mots pleins de rage
et leur méchanceté assombrissait le jour
leur déchirait la tête, mettait leur âme en cage
leur cruauté tuait toute forme d'amour.

Les enfants se faisaient petits dans leur chambrée
la soeur aînée pleurait tout contre la fenêtre
moi j'étais sidérée, défaite, lacérée
il ne restait de moi qu'un faible petit être.

Le coeur me manque encore à chaque souvenir
le souffle a des ratés, mais le temps a passé
il ne reste d'eux qu'une urne scellée de cire
et il faut pardonner, comprendre et digérer
et ne pas ressasser les choses du passé
pour pouvoir avancer et vivre plus léger.