Petite feuille

Légèrement s'envole petite feuille,
Détachée de sa branche bien aimée,
A l'encontre du tournant, en deuil,
Au dessus de ce pêcheur apaisé,
Virevoltant seule sans complexes
Et de bon gré, mais si hésitante
Qu'elle faille ainsi atterrir par réflexe,
Sur cette douce eau vaseuse et stagnante.

Cet homme géant sur son navire,
Repose isolé et pêche en vain,
L'absurde poisson effaçant son sourire
De son visage abîmé et incertain.
Mais le sandre ne fit guère de signe!
Et les petites vagues constantes,
Persistantes en faveur de sa ligne,
S'allongèrent, lourdes et coulantes.

Petite feuille passa donc près de lui,
Qui la regarda fixement, vide,
Et continua sa route, éblouie,
Par cette vaste brume humide
Si clair, dans la forêt obscure.
Rien n'est plus pareil que sur son branchage,
Quand on trempe sur cette eau peu sure
Et qu'on est poussé sans ancrage.

Petite feuille va en s'inquiétant
De son aventureux et long voyage
Dans lequel elle plonge inconsciemment.
Ayant pour unique et seule image,
Cet homme si froid, vieux et rêveur,
Posté sur son large et grand canot,
Qui aurait pu être son libérateur,
Mais il ne fut bien qu'un simple sot.