Rien ne va plus

Il fait encore nuit ; l'eau du fleuve, paisible,
Coule presque sans bruit ; la berge est accessible
Et se confond dans l'ombre avec le lit profond ;
L'homme arrive à pas lents sous la lune à l'œil rond
Dont le reflet dansant, pâle et moqueur, le guide ;
Dans son regard on lit l'attirance morbide,
Et que rien ne pourra l'empêcher de plonger,
Ni lui donner soudain le génie de nager.
Pousserait-il un cri ? L'alarme serait vaine :
Les hommes sont trop loin pour deviner la scène.
Et tandis qu'il avance, et qu'en un fond boueux
Son pied raide s'enfonce, insensible et noueux,
Et que son corps se noie doucement dans l'eau noire,
Le souvenir mauvais revient à sa mémoire,
Terrible, accusateur, tout chargé de remord
Et qui plaide enivré l'épouvantable mort.

Parmi tant de mortels pliant sous l'infortune,
Bien plus que lui fondés à hurler sous la lune,
Au nom de quelle gloire, ou de quelle vertu,
Réclama-t-il au Ciel, douloureux et têtu,
La condition d'un Prince aux coffres remplis d'or ?
Et qu'alla-t-il s'user les sangs dans l'athanor
De la table de jeu, surtout ? Comme une bête
Sur le dos de laquelle un tondeur fait la fête !
Que trahit-il le jour qui l'avait éclairé
Sur le funeste sort où s'était enferré
Maint intempérant sot, crédule et dérisoire,
Parti chercher fortune au pays de l'avare :
Aire où même la loi des probabilités
Trompe le hasard pur et sans inéquités,
Où les dés sont pipés, le croupier vise et triche,
La machine est truquée, et l'honneur - une friche !
D'où lui vint la pensée emplie de présomption
Que pour lui le démon ferait une exception ?
Qu'il vaincrait, c'était sûr, comme on en vit tant d'autres,
Et qu'il pouvait les prendre à bon droit pour apôtres ?
Que ne comptaient pour rien les légions de perdants
Dont la vie finissait dans les égouts du temps,
Les cachots de la honte et de toute misère,
Et qu'on vit de tout temps se traîner sur la Terre ?

Maintenant qu'il avait tout perdu, tout trahi,
Ses amis et les siens, que son foyer meurtri
Etouffait sous la dette, à deux pas de la rue,
Et que sa déchéance apparaissait si crue,
De quel front soutenir l'écho de son miroir ?
En ce triste pantin d'où tirer quelque espoir,
Et bâtir un perchoir pour la douce colombe ?
D'où, sinon du néant pacifiant de la tombe ?

Écrit par Letudiant
Catégorie : Triste
Publié le 22/06/2014
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 22/06/2014 à 18:58:53
Superbe ! Admirable ! J'aime beaucoup votre écriture et la manière dont vous jouez sur les sonorités.

Bien à vous.
Florent
Florent
Posté le 22/06/2014 à 19:32:06
OUI ET LON SUIT LE CHEMINEMENT DESESPÉRÉ DU FLAMBEUR DANS UN SUSPENSE SANS RÉPIT,, , DE PLUS RIEN À REGRETTER DANS LES MOTS ET LEUR USAGE,,,, À BIENT^T J'ESPÈRE
flipote
Posté le 23/06/2014 à 13:11:37
Merci a vous, Florent et Flipote, pour vos témoignages d'estime envers ce poème
Flipote: ne vous en faites pas, je reviendrai bientôt avec de nouveaux poemes!
Letudiant
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08/04 09:11Ange de Lumiere
Très belle soirée à tous
08/04 08:42Ange de Lumiere
Bonsoir les poètes
07/04 09:03Ange de Lumiere
Bonsoir à tous
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