La mort dans le cœur,
L'épouvante dans les yeux,
Il se sont élancés de la tranchée.
Avec la terre
Leurs corps célèbrent des noces
Sanglantes.
“Cent visions de guerreâ€, 1916 – Julien Vocance
Les Cent visions de guerre furent composées au front, dans la boue des tranchées, où le poète perdit l'œil gauche.
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Léon,
Te souviens-tu, de la lumière,
De la lumière des moissons,
Au temps de l'herbe et du blé blond,
Au temps du chaume et de la balle ?
Te souviens-tu, Léon, des rires,
Des rires des gars fatigués,
Au temps des faux – courbes luisantes -
Au temps des épis rassemblés ?
On te lançait : vas-y Léon !
Vas-y de tes larges épaules,
Reçois donc gerbes et épis,
Reçois le chaume et puis la balle.
Léon,
Te souviens-tu de notre terre,
De la terre appelant nos mains
Pour oublier le jeu des filles ?
Rappelle-toi la terre noble,
Rappelle-toi la terre lisse,
De la lumière avant la Guerre.
Léon,
Voici qu'ils ont tranché la terre
Et n'ont pas enlevé les pierres,
Ils ont semé l'homme et la peur,
Ils ont versé haine et ténèbres,
Pour moissonner le feu hurlant.
Ils t'ont crié : vas-y Léon !
Vas-y de tes larges épaules,
Reçois donc gerbes et débris,
Reçois le fer et puis la balle.
Léon,
Te souviens-tu de la lumière ?
Voici qu'elle meure en tes yeux.
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J'aime bien. | |
eric |
C'est très fort et très beau. Dur et terriblement sensible. J'ai beaucoup aimé. | |
salomée |
j'aime beaucoup le poème, c'est fort, puissant, entraînant même si le propos est très triste par contre, pour le fonds, j'avoue ne pas tout comprendre. le poème original parle de guerre, on n'a pas de doute; pour ton texte, c'est déjà moins clair, à moins que tu ne parles de 14-18, de la guerre des tranches mais "[...]ils ont tranché la terre.... ok [Et n'ont pas enlevé les pierres] là, je suis plutôt perplexe. cela, dit, je me répète, texte très bien construit ! alaiN |
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spock27 |
Merci pour l'accueil de ce texte. Oui, Alain, il s'agit bien de "la Guerre", celle qui allait remodeler l'esprit d'un siècle, brisant illusions, codes et conventions. On n'écrira plus, on ne peindra plus, on pensera plus, on ne verra plus de la même manière après elle. Pour la première fois, les hommes allaient faire de la terre un usage perverti, ce qui ne pouvait que révolter un paysan pour qui la terre était tout. C'est réflexe, le paysan retire la pierre du champ. Le soldat devait la garder pour assurer plus de solidité et d'assise dans le mur de la tranchée. Un détail paraissant incongru, oui, mais révélateur d'une innocence brisée. |
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