Une nuit, quand la lueur stellaire berçait doucement la ville, quand les bougies finissaient de brûler, depuis ma bibliothèque, le nez dans des grimoires et l'âme dans les nuages, je l'ai aperçue. Elle était blonde. Sa chevelure glissait en boucles cascadeuses vers sa poitrine blanche. Ses épaules étaient nues, et si délicates ! On eut dit qu'elles étaient de porcelaine. Elle était belle. Elle était fascinante. Grâce aux lumières hésitantes des réverbères, alors que son doux visage était penché vers ses pieds, je m'aperçus qu'elle pleurait. De longues et fines larmes coulaient sur ses joues et s'en allaient choir sur son cou. J'eus envie de l'aller rejoindre, de la cajoler, mais une force me retint. Je restais à ma fenêtre, ma peine et l'obscurité grandissantes. Tandis qu'elle levait les yeux vers moi, je pus les distinguer. Ils étaient verts. J'en fus subjugué. De grands yeux d'émeraude en infinie tristesse ! Deux planètes jumelles qui exprimaient les mêmes souffrances. Ô mortel lecteur, ignorant ou aveugle ! As-tu déjà vu, sous les torches incertaines de la ville et de la Grande Ourse, des yeux comme les siens ? As-tu déjà ressenti cet immense chagrin, tandis que tu les contemplais ? Ils étaient si doux... Au bout d'une minute, ou d'une heure, n'y tenant plus, je descendis. Comme il fût grand, cet escalier de marbre ! Quand j'atteignis la rue, elle n'y était plus. Où avait-elle bien pu disparaître ? J'arpentai inlassablement les rues, et ce n'est qu'à l'appel des cloches de La Sorbonne que je me résolus à abandonner. Les jours passèrent sans que je ne la revoie...
Je pensais à elle à chaque instant, et son regard si mélancolique, puit de souffrances et de grisaille me transperçait l'esprit jusque dans mes songes.
Un matin, Une fatidique. J'y lus : "Jeune femme retrouvée noyée sur le bord de la Seine. Non identifiée."
À la morgue, je la reconnus... Elle était blonde. Sa chevelure mouillée rampait vers sa poitrine blanche... Ses épaules nues étaient froides comme des tombes. Elle était belle.. Et fascinante... Et ses yeux ! Lecteur, me croiras-tu, ses yeux vivaient encore. Ils étaient verts et infinis. Et ils pleuraient.
Jamais je ne sus qui elle avait été, elle reste en ma mémoire pour l'éternité. Elle demeurera toujours cette jeune femme qui pleure sous un lampadaire, et dont l'angélique figure, pour un instant, était tourné vers moi...
Ah, Paris ! Tu n'es pas avare en mystères !.. Un jour, peut-être , me diras tu son nom ?..
Écrit par Etienne de Mirage
Le coeur est une langue qui se passe de mots.
Catégorie : Triste
Publié le 08/02/2020
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Fabuleuse écriture ! Et un mystère qui ne sera jamais élucidé ... Bravo Etienne ! |
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Yuba |
Merci Yuba pour ces mots gentils ;) | |
Etienne de Mirage |
Bonsoir, On se laisse porter .. Un peu déçue du dénouement.. votre Plume aurait pu vivre une Histoire avec les Beaux Yeux verts ! Merci du Partage, Lys-Clea |
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Lys-Clea |