Dès que je l'ai vue, son visage s'est éclairé, derrière son sourire un feu sacré semblait brûler. Mais selon toute évidence, c'est mon coeur qu'il consumait. Et je lui ai écrit par des mots de plastiques, qui claquent sous les doigts, qui scintillent sur l'écran. Et après les mots, ce sont nos coeurs qui se sont trouvés, sans se le dire. Pour avoir le plaisir de la voir, j'ai prétexté lui faire visiter mes bureaux et l'atelier pendant le midi, pour lui expliquer comment je travaillais. Cette entrevue à la foi sage et troublante ne fut qu'une première d'une série pendant laquelle manger ne m'était plus nécessaire. Quelle perte de temps c'aurait été de se sustenter, quand il s'agissait de profiter de sa présence qui nourrissait mon coeur et guérissait mon âme. Dès lors rien ne pouvait empêcher l'amour naissant de prendre ses racines, comme si nos êtres ne furent crées que pour s'aimer. Belle, charmante, sensuelle? Ce n'étaient que des mots. Il y avait de belles femmes. Il y en avait de pulpeuses, de gentilles. Mais pour moi elle ne répondait plus à ces critères. Elle était le grand amour vibrant que j'avais attendu toute ma vie.
Je n'aurais pas échangé tout l'or du monde pour le cuivre de ses cheveux châtain-roux. Mon corps aurait été un jardin, mon coeur aurait été la rose dans cette onde métallique qui reflétait la lumière dorée du soleil. Mon existence n'aura pas eu autant de bonheur que quand j'ai pu avoir la joie, la fierté de me promener avec elle nos mains enlacées. La serrer dans mes bras fut chaque fois comme l'aurore qui embrasait un ciel de printemps, l'union sacrée de la puissance et de la douceur, baignant dans la lumière troublante de l'amour invincible. Un amour qui n'avait pas plus de limite que l'horizon, nos pensées jointes ne nous lassaient jamais. Nous étions chacun en contemplation de l'affection qui jaillissait de nos coeurs au moindre mot échangé, du moindre effleurement de nos mains. Bien qu'elle n'était pas à minauder, chacun de ses gestes, même dans son travail, m'étranglait d'émotion jusqu'aux larmes, tout en elle et tout ce qu'elle faisait m'était charmant, et m'appelait à la chérir. Fusse notre amour aussi fort et puissant, qui aurait imaginé nos chaînes. Qui aurait pu croire qu'elles furent assez solides pour empêcher nos corps de se connaître.
C'est stationnés sous un pont que je lui ai avoué que j'étais si amoureux que si je n'étais pas lié je me serais jeté à ses pieds en la suppliant de partager ma vie… elle me répond que cette déclaration est une souffrance. Elle se penche dans un soupir lascif et pose ses lèvres sur les miennes. Je réponds à son élan par une passivité qui me fut douloureuse ; je me sentais trop coupable pour accéder à la tendre étreinte. Elle me confessera qu'elle aurait tant souhaité que je fasse ma vie avec elle et lui permettre, selon ses mots, d'avoir l'honneur de porter mes enfants. Mais jamais, dans la noblesse de ses sentiments, elle n'a évoqué son voeu que je me défasse de mon engagement. Tout juste m'a-t-elle confié qu'elle ne pouvait pas me partager.
A la révélation de cette idylle, celle qui partageait ma vie prépara dans les larmes les papiers nécessaires en vue de notre séparation. Mais bientôt elle refusa de me laisser partir, redécouvrant pour moi son amour qu'elle pensait disparu, refusant de se nourrir, me suppliant de rester auprès d'elle. Convaincu qu'il ne pouvait en être autrement, je lui ai cédé. Sur la pierre du devoir, et sur l'enclume de la destruction, j'ai rompu la plus pure des choses que ma perception de la réalité et de la vérité pouvait concevoir. De ma mémoire ne subsiste pas les mots que j'ai choisis de dire à la maîtresse de mon coeur, reste ceux que je ne lui ai pas dits, qui ont été l'instrument du Vide et du Néant pour frapper la lumière dorée qui nous unissait et nous défaire l'un de l'autre dans la douleur et le désespoir. J'avais à l'idée que je ne pouvais sacrifier celle a qui je m'étais déjà voué. Alors que mon aimée, si courageuse, bien plus que moi, m'avait offert d'abandonner sa vie et son compagnon pour jeter son coeur, son âme et son corps comme tribu à mes pieds pour que j'accède sans retenue à l'amour sans fin qu'elle me vouait. Elle partit pour toujours.