C'était une chaude soirée,
Chaude de rires enivrés,
Chaude d'amis vieux de vingt ans,
Chaude de la mort d'un printemps.
Et dans notre modeste nid
Le feu sacré du rhum béni
Oubliait son sens figuré;
Alors l'ayant bu à grands traits,
Je me mis à fondre à grands flots.
Apercevant les volets clos,
J'y contemplai mon seul espoir
De goûter la brise du soir.
Mais quel intérêt pour l'histoire
Et pour son héros quelle gloire,
S'il n'eût été l'adversité
Offrant obstacle à surmonter ?
Car oui, le crâne échevelé
D'un fier larron qui dessoulait
Pesait sur la vitre promise.
Mesurant l'adresse de mise
Pour bien parvenir à mes fins,
Je vêtis mon air séraphin,
Et, posant un genou en terre,
Et, jetant mes deux bras dans l'air,
J'improvisais une tirade
Pour séduire le camarade.

"Ô très sage Aristide, ô grand frère d'Afrique
Toi qui de deux pays es le drapeau unique,
Toi, à la fois lumière obscure du Bénin
Et du Togo brillante obscurité. En un,
En deux ou en cent mots, J'ose te demander
-Et, maître, je n'ai pas de honte à quémander-
D'offrir à mon babil, vermisseau sans pareil
Le riche matelas de tes sages oreilles.
Voudras-tu te tourner ? Aurai-je le plaisir
De voir ton franc regard fixer ce que j'admire ?
Oui, c'est cela, merci, merci frère adulé;
C'est bien de ce vitrail que je voulais parler.
Qui l'a dit transparent ? J'ai les deux yeux happés
Par ce noble rempart contre qui vient frapper,
Cogner, gronder, craquer, dans une charge folle
L'Aquilon général des bataillons d'Eole.
Comme il est grand et beau ! Comme peu de héros,
Oseraient, comme lui, offrir leur ventre aux crocs
Et à la griffe aigüe leur dos inébranlable !
Certes ce défenseur est des plus admirables
Quand il reste fermé, mais soyons impartial :
Qui sur terre ou aux cieux pourrait dire sans mal :
"Tu es fait, fier carreau, pour ne jamais t'ouvrir !"
Car on en aurait fait, il faut en convenir,
S'il devait rester clos, un simple mur de pierre
Et un grand trou béant, dans le parfait contraire :
On touche enfin du doigt sa plus grande beauté
Qui n'est pas sa roideur mais sa subtilité !
C'est en luttant parfois, et d'autres fois cédant
Qu'il conjugue sagesse avec courage ardent.
Dès lors je peux sentir que ton esprit subtil
De ma pensée, déjà, a déroulé le fil.
Permets-moi toutefois, de la bien formuler :

Tu peux ouvrir la f'nêtr' steuplé ?"

Et, d'un air grave, ce bêta
Acquiesça et s'exécuta.
Puis il jura -parole d'homme !
D'arrêter à jamais le rhum.

Quoi ? Devise obligatoire ? On me force à me résumer en une phrase ? Il ne sera pas dit que je céderai devant la tyrannie. La noblesse de l'acte de résistance est un peu entachée par ma flemme de chercher, mais tant pis
Catégorie : Drole
Publié le 02/06/2016
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
Poème Précédent

Partager ce poème:

Twitter

Poème Suivant
Commentaires
Annonces Google
Posté le 02/06/2016 à 21:02:29
C'est une sacrée épopée de l'alcool ! Bravo d'avoir eu le cran de l'écrire
schweepouille-deleted
Posté le 02/06/2016 à 22:02:47
Et quelle supplique ! Tant d'ardeur à dire ! Je m'associe à Schweepouille en vous disant bravo pour ce double poème.
jacou
Posté le 03/06/2016 à 04:40:18
Trés bien écrit , plaisant.
eric
Posté le 03/06/2016 à 14:25:07
Merci à vous trois pour votre passage ! C'est une petite remise en jambe après long temps d'inactivité plumitive.
J'espère revenir dans quelque temps avec du plus consistant :)
Coccinelleamoustaches
Posté le 04/06/2016 à 07:54:23
Hi hi drôle à souhait ...
A bientôt
MARIE L.
Ajouter un Commentaire
Vous devez etre identifié pour pouvoir poster un message
Veuillez vous identifier en utilisant le formulaire ci-dessous, ou en creant un compte

S'identifier
Login :
Password :
Apparaitre dans la liste des connectés :

Mot de passe perdu ?

S'identifier

Login
Password
Etre visible
Mot de passe perdu

Rechercher un poème


recherche avancée

Tribune libre

19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
À méditer pour vous en ce jeudi.
11/04 04:09Sarahg
"La folie est un don de Dieu". Jim Fergus

Qui est en ligne

  • Et aussi :
  • 402 invités