ATOMIQUE

L'autre jour il advint, l'affaire est peu courante,
Le vent ayant cessé et la pluie à genoux,
Que le soleil s'en fût de manière impudente
Porter ailleurs qu'ici l'ardent de son courroux.

Personne au moment n'y vit de différence,
Nous vivions de l'acquit et de plus, sur l'instant,
Un regain de fraîcheur était une opulence,
Qui des moiteurs de l'août tempérait les autans.

Les jours allaient leur train sans leur astre solaire.
Nous commencions peu prou à être flagorneurs.
Un été sans soleil c'était toute une affaire,
N'avions nous pas été un peu trop beaux parleurs?

Et septembre arriva. Les raisins dans la vigne
Attendaient patiemment le soleil pour mûrir.
D'autres fruits, d'autres fleurs, espéraient moins de guigne
Et le froid insidieux nous faisait tous souffrir .

On s'alarma enfin, en haut lieu, comme il daigne.
Des affaires pressantes l'on se préoccupât.
On invoqua les cieux, Saint Janvier pour qu'il saigne.
Mais hélas rien n'y fît et l'hiver arriva.

Il était déjà là depuis plus d'un trimestre
Et de l'automne roux nous n'avions rien connu.
Le froid omniprésent nous tenait sous séquestre
Au sein de nos logis ou nous étions reclus.

Il fallait bien manger, boire, vivre. Que dire
De ces trop longs moments sans être jamais seul?
Nous voulions tous sortir aller crier notre ire,
Avant que de la mort on vêtit le linceul.

Les ponts étaient coupés. Partout c'était l'atroce
Rigueur d'un mâle temps qu'aucun n'avait connu.
Maligne la lueur du jour montrait la noce,
Des glaces et du vent dont nous étions repus.

Puis la disette vînt, portée par la camarde,
La même que Brassens avait imaginée.
Avec ses trous de nez fleuris, à la hussarde,
Elle emportait ses gens en de grandes brassées.

Chez nous, on écoutait à coup de manivelle,
Sur de grands disques noirs chanter Charles Trenet.
Sa sorcière épicière, duègne de mortadelles,
Ou délire profond on lisait “ Le buffet â€,

De Rimbaud. Ou alors, préférant la tirade
Du nez de Cyrano, on humait fortement,
Le titillant arôme qu'exhalaient les croustades,
Les rôts, les entremets; nous lisions en fragments.

Peur d'une indigestion? Non point de nourriture,
Mais du trop beau bien dit qui ne rassasie point.
Parfois nous-nous chantions aussi “ La confiture â€,
Des Frères Jacques et puis, on se faisait un joint.

Alors nous rêvions là de mille feuilles mortes;
Nous récitions Prévert et son raton laveur,
Brest et la rue de Siam le diable nous emporte,
Si nous avons tous deux relu †L'écornifleur â€.

Et tout en attendant des jours meilleurs probables,
Perclus par cette faim dans ce froid sidéral;
Mes doigts, pour le piano à queue quittaient la table.
Dans un long cri d'amour Chopin ouvrait le bal .
°°°
°
CS

Écrit par CharlesSABATIER
Branleur MONDAIN.
Catégorie : Environnement
Publié le 11/11/2019
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 11/11/2019 à 16:37:15
Magnifique, en favori ! Non seulement vous êtes maîtres en prosodie, mais vous savez l'art d'évoquer les "minutes heureuses", et vous êtres gourmand, gourmet et pas du tout gourmé, mais bien un poète qui convoque des pairs pour un plaisir d'échanges délectable à lire et qui met en appétit qui vous lit ! Merci beaucoup Sieur Charles.
jacou
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19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
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11/04 04:09Sarahg
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