De ses longs doigts de suie, la nuit bistre le ciel,
Lune sombre! Sinistre sœur des mers aveugles,
Epaisseur nocturne où des vents crissent les ongles,
Obscure écume où rampe une ombre démentielle.
Nuit d'épouvante aux artères noires, putrides,
Aux mille yeux morts surnageant dans des eaux fétides,
Aux pieuvres ridées qui jettent leurs tentacules,
Vénéneuse nuit où de lourds poisons circulent.
On entend les bois grincer, les feuilles trembler,
Une affreuse pulsation comme un cœur malade
Monte d'un horizon où des ailes s'évadent,
Les serres de la peur broient la peau des forêts.
Soudain le vacarme! Un tourbillon de ténèbres
S'abat sur la clairière muette d'effroi,
Des formes indistinctes sortent d'un charroi
Nulle vie ne tarde, c'est bien l'heure funèbre !
Fantômes aux mains coupées et aux regards de fiel,
Sorcières consumées qui crachent des crapauds,
Goules redoutables broyées dans des étaux,
Boucs aux yeux de braise dépecés sur l'autel,
Démons hérétiques, adorateurs des anges,
Bossus des synagogues, bourreaux du sauveur,
Lilith insatiables, charmeuses des archanges,
Veules créatures que damne le Seigneur,
Bacchanales glauques vouées aux anathèmes,
Où l'orphéon infernal glapit des blasphèmes,
Sachez pourtant ceci: Votre temps est compté !
Quand l'aurore viendra, vous serez châtié.
Car la sainte église, fille de la Lumière,
Dans sa quête éternelle a toujours affronté,
Les immondes enfers où règne Lucifer,
Pour le traquer le soir dans les sombres forêts .
Car la très sainte église est fille des apôtres
Qui connurent le Fils quand il était des nôtres,
L'un le renia et un autre le vendit,
Tous le laissèrent seul dans sa longue agonie.
Ainsi, Jésus, à Géthsémani, son calice,
Parmi ces oliviers tordus en crucifiés,
A vécu l'horreur de la nuit de Walpurgis,
En attendant, prostré, son calvaire annoncé.
Combien de martyrs, d'innocences suppliciées ,
Hantent les arcades des hautes cathédrales,
Et croisent, effrayés, les gargouilles spectrales,
Filles de la très sainte église immaculée.
Dans l'ancienne Germanie, on croyait qu'à cette date les divinités païennes du printemps (dieux et déesses de la fécondité) se répandaient dans la nature pour mettre fin à l'hiver. L'Église tenta de discréditer cette fête en transformant les divinités en « diables » et (surtout) en sorcières. Ce qui donna lieu à quelques chasses réjouissantes, mais ces diables ne s'étaient-ils pas introduits au sein de l'église, depuis bien longtemps, depuis le calvaire d'un certain Jésus Christ ?
Écrit par Banniange
Il faut habiter le monde comme un poète
Catégorie : Fantastique/Sf
Publié le 01/05/2019
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Si je fréquente des forums de poésie, c'est à la recherche de la perle rare. Depuis trois ans maintenant, je lis donc des poèmes postés. Or, voici, et je dis ceci simplement, l'un des meilleurs poèmes que j'ai pu lire durant cette période. Il est vrai que tout m'y parle : ambiance fantastique et glauque à plaisir, spiritualité sombre et romantique, surtout densité exceptionnelle des vocables qui font de tes vers ce que j'en notais dans le précédent commentaire, à savoir une riche nourriture pleine de vitamines poétiques. En toute logique, je te félicite Banniange pour ce somptueux poème qui va rejoindre mes favoris, et durablement rayonner dans mon esprit, devant mes yeux, dans mon âme ravie ! |
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jacou |
Pour ce qui concerne les diables qui ont subverti l'Église, je suis tenté de dire, classiquement : tout pouvoir corrompt, et le pouvoir de Rome a corrompu complètement, d'où la Réforme protestante, puis la déchristianisation relative, puis ce que Emmanuel Todd appelle le "christianisme zombie, et puis ces scandales de mœurs couverts encore et toujours par l'Église omnipotente... | |
jacou |
Un tel commentaire me va droit au coeur évidemment et je t'en remercie! Bien entendu je te rejoins que tu sites Lord Acton(je crois..)"Le pourvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument"L'histoire de l'église est traversée de corruptions, de trahisons et parfois mais trop rarement de rédemptions...Tout en m'empressant de distinguer religion et foi, l'institutionnalisation est probablement dès son origine en contradiction avec la parole vivante qui libère(l'esprit souffle où il veut...).Bien entendu l'église n'a pas l'apanage des parjures, l'idéal républicain a déchu devant les atrocités des guerres napoléoniennes en Espagne, les conquêtes "civilisatrices n'ont pu masquer longtemps la cruauté, la sauvagerie des colons et l'emprise économique de l'occident "démocratique" sur le monde n'a pas fini son oeuvre de destruction massive mais et c'est le dernier point où je te rejoins les révélations des abus sexuels perpétrés par des saints pères a vraiment fini par me donner la nausée! | |
Banniange |
Bravo et merci banniange pour cette belle lecture poétique à tes lecteurs d'Icetea ...j'ai véritablement savouré toutes les dimensions spirituelles excellement amenées par la construction de la poésie... Venir tardivement vers un écrit permet de profiter des commentaires qui précèdent et je l'avoue j'espérais que soit abordé ce problème d'abus dont on parle beaucoup en ce moment à savoir viols sur les religieuses quand elles sont jeunes et pédophilies et me dis que cela dévoile un malaise et une contradiction dans les fondements de la Croyance par l'Eglise : l'humain reste humain et il est si difficile d'en faire un "dieu" ...sans vouloir offenser personne je touve que la Loi de l'église est impitoyable sur les religieux et les religieuses et les dégats qu'elle engendre par conséquent peuvent être monstrueux ... |
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Yuba |
Tu as parfaitement raison Yuba mais là aussi, il s'agit d'une dogmatique( le célibat des prêtres ne s'impose qu'au XII ème siècle après bien des péripéties) qui contrevient aux textes fondateurs où il n'est nullement question d'abstinence sexuelle ni de débauche non plus par ailleurs, la question sexuelle ne semble pas avoir été au coeur du message christique, on s'est bien rattrapé depuis... | |
Banniange |
Oui, Banniange, les turpitudes humaines font vaciller les certitudes. Je suis croyant, catholique, mais je pense qu'il serait enfin bon de revoir le fonctionnement de l'Église catholique dans sa partie fonctionnelle, le spirituel c'est autre chose, mais l'église constituée devrait se remettre en question, être remise en question par ses célibataires... mêmes que sont ses desservants. Prendre exemple sur le fonctionnement des cultes protestants serait pour les catholiques instructif, et surtout revoir les dogmes consacrés qui, tu le soulignes pour le célibat des prêtres, sont d'ordre purement institutionnels. Bon, je me repais de tels vers : "Goules redoutables broyées dans des étaux, Boucs aux yeux de braise dépecés sur l'autel," avec des images à foison, des mots qui s'entrechoquent, et un rythme ! (et j'ai pitié des démons torturés !) |
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jacou |
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