Que je me greffe un masque ou me bande les yeux
Avec ces mains criblées par les dards de la pluie,
Que j'appelle mon nom dans les échos venteux,
Je me sens assailli, par le doute transi.
Je cherche les traces de mes nuits en cavale
Que je n'ai pas vécues car je n'étais pas là.
Ce sont ces heures où quelqu'un d'autre est en moi,
Un étranger issu de mon miroir ovale.
Dans un tourbillon de feuilles décapitées
Par la hache du temps, ce bourreau sans émoi,
Le regard caché par des ombres amassées,
Cet autre en moi murmure en imitant ma voix.
« J'arrive de la rive où chutent les étoiles,
Où des vaisseaux échouent emmêlés dans leurs voiles,
J'arrive de l'abîme où des aveugles pleurent
A chercher les lueurs d'un vieux soleil qui meurt .
Je suis cet être nu au fond de ta détresse,
Un inconnu couché dans l'antre de ta peur,
Celui que tu as fui dans ta prime jeunesse
Quand il fallait choisir lequel serait ton leurre.
Celui que t'a offert cette rude existence
Entre les rais des ans dans leur évanescence,
Ce migrant enchaîné aux portes d'une ville
Qu'il ne pourra quitter pour parcourir les îles ».
Ses mots se sont perdus dans un silence aigri
Comme un amer reproche à celui que je suis,
Je le sais maintenant, quels que soient mes détours,
Un étranger me suit à chaque fin du jour.
A jacou qui comme moi aime les Alien(de).
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Oh comme j'aime la pluie que tu fais pleuvoir en larmes ! Oui Banniange, nous sommes tous des étrangers, et d'abord pour nous-mêmes, Musset avait senti cela aussi. Nos miroirs reflètent si bien notre inquiétante étrangeté (merci Freud de nous avoir fait migrer hors de nos esprits), que souvent c'est un étranger, notre prochain, qui nous sauve du désespoir d'être une monade, un dérisoire monde sans écho... Je te remercie également pour cette belle dédicace, les Alien ont du charme, et puis je pense aux réfugiés chiliens fuyant Pinochet, aux Syriens loins d'Assad, aux boat people vietnamiens des années 70, aux migrants qu'Areva du Niger chasse, etc... Il est naturel que ton beau poème se place au sommet de mes favoris, en te souhaitant une belle journée. | |
jacou |
Superbe !! traversée du temps sur un espace qui nous semble étranger sauf lorsqu'en levant les yeux au ciel nous remarquons que les mêmes étoiles et la même lune nous guident et sans aucune frontière ... Un écrit pour les favoris des favoris , il va sans dire ! Merci beaucoup Bannianage ! |
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Yuba |
Merci à vous deux, oui plus que jamais en ces temps de valeur refuge identitaire soyons vigilant au réveil de la bête... | |
Banniange |
Magnifique, et puis cet air qui chante dans ces mots me parle! | |
Dafide |
Merci pour ce commentaire, Dafide! | |
Banniange |