Kaspar, Kaspar, pauvre orphelin des météores!
Tu contemplais les cheveux blonds des champs de blé
Onduler sous les caresses des vents d'été,
Sur la rivière où scintillaient mille trésors,
Un héron volait dans le sillon de l'aurore.
A la herse du vieux château aux hellébores,
Tu accrochais les rêves précieux des licornes
Que tu cueillais aux pâles branches des viornes.
Quand la nuit refermait ses lèvres constellées,
Tu écoutais battre le cœur lourd des forêts,
Poursuivant les cerfs aux ramures argentées.
Dans les sentiers obscurs chuchotaient les secrets
Qu'enfant tu confias au feuillage frémissant.
Quand des tisons rougeoyants traversait l'éther,
Eclairant les stèles d'un ancien cimetière,
Tu guettais impatient l'heure des nécromants.

Le brasier des étoiles crépita alors...
Le sabbat commença par les cris des sorcières
Qui flottaient en tournant dans les airs délétères,
Vinrent bientôt les stryges, la fureur des morts,
Des visages haineux, des masques de folie, 
La peur te terrassa puis tout s'évanouit
Dans un vertige atroce empli de hurlements,
De tombes profanées, de fantômes jurant!

A Nuremberg, un matin on t'a découvert
Comme un épouvantail attaché à sa croix,
Triste somnambule d'origine princière,
Prisonnier d'un mystère que rien ne leva,
Car un soir, le poignard a fermé tes paupières
Sous la lune noyée dans un étang de sang
Qui ira inonder cette Europe outrancière,
Orpheline elle aussi de ses grandeurs d'antan.

*Caspar ou Kaspar Hauser (né le 30 avril 1812 (?) et mort le 17 décembre 1833) — dont le nom est parfois francisé en Gaspard Hauser, entre autres par Verlaine — est un adolescent qui a vécu au xixe siècle. Apparu sur la place de Nuremberg, le 26 mai 1828, il était probablement âgé d'environ seize ans. Surnommé « l'orphelin de l'Europe »1, il est encore aujourd'hui au centre d'une énigme relative à ses origines.

Écrit par Banniange
Il faut habiter le monde comme un poète
Catégorie : Histoire
Publié le 14/09/2019
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Posté le 14/09/2019 à 11:00:08
C'est très beau. Je mets dans mes favoris ton poème, à la meilleure place, afin de le relire car chaque vers sonne richement, et puis je dois vider mon maudit cerveau qui déjà ameute Verlaine et le film de Werner Herzog... Je commenterai mieux cette poésie exquise plus tard. Bon samedi.
jacou
Posté le 14/09/2019 à 12:26:07
Le dernier passage est pour moi le plus beau
Merci de ce partage
Belle de jour
Posté le 14/09/2019 à 18:10:56
Je reviens vers ton poème, Banniange, qui est un diamant brut. Il t'aura pris du temps certainement, car sa densité m'impressionne, évoquer avec tant de vocables suggestifs, c'est un miroitement de beaucoup de feux. Une belle nourriture spirituelle, si je veux résumer ton poème. Cela colle très bien avec son sujet romantique. Une œuvre parfaite. Merci de ce partage.
jacou
Posté le 14/09/2019 à 19:14:08
Merci à vous deux d'avoir réagi à ce texte, évidemment jacou le film de Werner est et restera à mes yeux un poème symphonique auquel modestement mes évocations rendent hommage quant à Nuremberg ce nom devrait faire frémir tout un chacun!
Banniange
Posté le 15/09/2019 à 11:42:53
Oui, Nuremberg devrait faire frémir, si l'on se transporte avec quelque anachronisme historique plus d'un siècle plus tard. Je pense pourtant que ça devait être une ville charmante avant les nazis, une ville à coucous et horlogers, et j'espère qu'elle l'est redevenue, depuis que les Allemands respectent leur "Loi Fondamentale" après 1945 (nouveau Droit et nouvelle Justice, profondément démocratiques)...
jacou
Posté le 15/09/2019 à 12:04:59
La fin du poème fait allusion évidemment aux catastrophes qui vont secouer le 20ème siècle et déplacer le centre de gravité de la culture humaniste européenne outre atlantique, à travers l'amnésie de Gaspar(le voyant, celui qui vient voir étymologiquement, quelle ironie...), je questionne celle d'une Europe en panne des ses valeurs qu'elles peinent à incarner là où elle devrait se montrer exemplaire( les lois existent-elles pour ne pas être appliquée?). La colonisation méthodique de l'Afrique et de l'Asie durant le 19ème siècle inaugure la pensée schismatique qui dans son ambivalence présidera au projet de conquête de la planète!
Banniange
Posté le 15/09/2019 à 12:22:07
C'est vrai, Banniange, la fin de ton poème est en avance sur l'avenir, mais je crois à ce carrefour dont parlait Kierkegaard, avec 8 routes, embranchements des futurs possibles où nous pouvons nous engager, ou non. L'homme fait l'histoire, et nous avons tellement de choix pour nous engager dans un chemin, ou un autre... Tu as amplement raison de parler de la colonisation du monde au 19ème s. comme ce qui a décentré totalement l'Europe de ses valeurs humanistes longuement acquises à la Renaissance et aux Lumières. Hannah Arendt, dans son livre sur le Totalitarisme et ses origines, a bien vu où originer la perte des valeurs européennes. Je te rejoins au final, maintenant, c'est le cas de le dire, car ton excellent poème est aussi une éclosion du mal en notre bas monde. J'avais négligé de bien lire ta dernière strophe, captivé que j'étais par les commencements.
jacou
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07/04 09:03Ange de Lumiere
Bonsoir à tous
07/04 08:59Yuba
Je souhaite la bienvenue à Ange de Lumière, de nouveau parmi nous chez les modos :)

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