FEMINITE VOLEE

Il était une fois dans le monde où je suis né
Des millions de femmes qui marchaient le dos courbé
Le corps emmailloté dans un morceau de tissu
Pour éviter aux autres de regarder leur peau nue

Je suis né dans un ventre qui a du supporter
Cette vie de prisonnière où l'on se sent enfermer
Elle n'a jamais pu dire, je pense donc je suis
Suivant le pas de son homme sans un mot sans un bruit

A toi ma mère qui fertilise à mort les chrysanthèmes
Je voulais te dire à quel point tu me manques et comme je t'aime
J'voulais te dire qu'les choses que tu m'as enseignées
Resteront au fond de moi comme une arme, un bouclier

Le linge, les gosses, la bouffe restaient sa seule destinée
Supporté par un corps déformé par ces années
Restait pour se distraire le mariage des cousines
Dans lequel elle pouvait retrouver toutes ses copines

Lorsqu'un moment de trêve lui était enfin dédié
Elle pouvait s'octroyer quelques minutes de liberté
Regardant par la fenêtre dans une des tours de la cité
Ses yeux tournaient sans cesse d'un bout à l'autre du quartier

Alors pour se défendre face à son monde « psychotisé »
Ses tiroirs étaient pleins de ses « médics » ordonnancés
La tête, le ventre, les genoux tout était bon à surveiller
Comme dans son territoire où elle était toujours épiée

J'lui ai dit un jour viens je vais t'apprendre l'alphabet
Comme ça tu s'ras capable de lire ou d'écrire sur le papier
Elle m'a répondu fils oh non je ne peux pas c'est trop galère
Ma vie est ainsi faite et il faut que j'écoute ton père

Et puis sans plus attendre, elle est repartie dans sa cuisine
Chantant ses mélopées tout en astiquant ses bassines
Combien d'années encore faudra t-il donc le supporter
De voir nos mères meurtries par le pouvoir de ces geôliers

Il était une fois dans le monde où je suis né
Des millions de femmes qui marchaient le dos courbé
Le corps emmailloté dans un morceau de tissu
Pour éviter aux autres de regarder leur peau nue