Au détour d'un déboire j'ai récemment croisé ,
une de ces chimères à la senteur boisée ,
une de ces chimères fières de subsister ,
une de celles qui meurent avant que d'exister .

Elle marchait toute nue d'un pas déliquescent ,
dévoilant impudique son doux trépas naissant ,
ultime flamme d'ombre sous une froide lumière ,
qui savait au présent conjuguer les hier .

Meurtrie une fois de plus par l'âpre vérité ,
qui distribue les peines et les joies méritées ,
celle qui protège l'âme d'une franchise entière ,
se dirigeait sereine vers un beau cimetière .

Au milieu des semblables évanouies avant elle ,
martyres d'un autre temps occies par le réel ,
sa dernière pensée fut pour son géniteur ,
qui l'avait engendré d'un sursaut salvateur .

Elle n'était que fantasme ,elle n'était qu'illusion ,
un mélange de rêves et d'espoirs en fusion ,
une curieuse bâtarde issue d'un adultère ,
et qui par sa nature fuyait le terre à terre .

Elle avait pour son père endosser bien des rôles ,
de l'illusion tragique jusque à la plus drôle ,
de l'illusion de gloire à l'illusion d'amour ,
à l'illusion normale qu'on recherche toujours .

C'est au cœur de la nuit ,sous le ciel le plus sombre ,
que périt celle qui faisait danser les ombres ,
sachant que les secrets sont amants de la nuit ,
et que sous les étoiles ,la réalité fuit .

Cette morte illusion ,si chère au genre humain ,
saura reprendre vie lorsque viendra demain ,
l'éternelle illusion qui aux mortels apporte ,
le pouvoir d'entrouvrir une idéale porte .